la construction de l’identité politique dans la conquête et l’exercice du pouvoir en Guinée

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Le choix de cet article réside, d’une part, dans l’intérêt que nous accordons à des phénomènes socio-anthropologiques et politiques de la République Guinée du fait que la question ethnique et l’identité sont devenues des éléments les plus visibles à la conquête et l’exercice du pouvoir. D’autre part, depuis l’indépendance du pays jusqu’à nos jours les interrogations ne cessent de se poser sur la citoyenneté, l’ethnie et l’identité en Guinée.

La division de la société guinéenne en ensemble ethniques et politiques est facilement invoquée pour rendre compte des troubles sociaux, de l’instabilité politique, ou des retards de développement que l’on observe aujourd’hui en Guinée. En effet, le vote par l’appartenance sociale étant antidémocratique, les acteurs de la vie politique en Guinée construisent leur programme de gouvernance en rapport avec leur groupe d’appartenance.

Cette manipulation politique ne date pas d’aujourd’hui dans les pays d’Afrique subsaharienne. Les mouvements de démocratisation politiques ont donné naissance à plusieurs organisations politiques. Ces organisations sont principalement constituées à base de communautarismes et les dernières élections dans certains pays d’Afrique témoignent cela. Nier l’importance de l’identité ethnique dans le comportement des électeurs et des acteurs politiques en Afrique et notamment en Guinée est un débat parfaitement stérile. En effet, le défi qui se pose à une société multiethnique comme celle de la Guinée n’est pas d’enterrer les ethnies ou de faire comme si elles n’existaient pas. Il est de trouver les bonnes formules institutionnelles pour gérer cette diversité dans un système pluraliste. La construction de l’identité ou l’identification ethnique se diffère en fonction des circonstances. Nous constatons qu’en politique, les individus issus d’un métissage ethnique peuvent changer constamment de casquettes, au gré des événements et des forces en présence pour reprendre l’expression de Bano Barry. C’est le cas des groupes minoritaires : ils peuvent accepter ou non d’être identifiés à un grand groupe ethnique .

La Guinée se présente comme une mosaïque de peuples. Ceux-ci comprennent traditionnellement en quatre groupes ethniques qui correspondent aux quatre régions naturelles : la haute Guinée (Malinkés), la base Guinée (Soussous), la moyenne Guinée (Peulhs) et la Guinée Forestière (Forestiers). Tout comme d’autres États d’Afrique, il n’est pas possible de croire que l’ethnicité n’aura pas d’impact sur la formation des partis politiques dans la conquête et l’exercice de la magistrature suprême. Cependant, le discours des acteurs de la vie politique et sociale produira des effets sur la population et leurs systèmes de gouvernance. Ceci est visible au sein des deux grandes familles politiques en Guinée, à savoir le RPG-Arc-Ciel et l’UFDG.

Après avoir introduit, il convient maintenant de définir de manière synthétique les concepts du groupe ethnique/appartenance ethnique, de l’ethnicité, de l’identité politique et de la démocratie pour la bonne compréhension à des lecteurs qui ne sont pas parfois familiarisés à ces concepts. Par la suite, nous faisons un point sur la démocratie en Guinée en rapport avec le comportement des acteurs sociaux (hommes politiques, électeurs, etc.). Ensuite, décrire les conséquences néfastes du communautarisme sur la cohésion sociale de la société guinéenne. Enfin, nous abordons le lien entre l’alternance et le régime démocratique.

Définition des concepts

a-         Groupe ethnique/appartenance ethnique

Le concept groupe ethnique ou appartenance ethnique est difficile à saisir car c’est une notion socialement et historiquement fruit d’une construction qui ne saurait se réduire à des attributions, tels que l’appartenance à : un territoire, une nationalité, une langue, une religion, des traits culturels, une ascendance ou une généalogie. Au-delà de la combinaison de l’un ou l’autre de ces attributs, l’ethnicité fait appel à une histoire partagée, c’est-à-dire à une forme de conscience collective d’identité historique. C’est dans cette optique que M. Bulmer définit le groupe ethnique ou appartenance ethnique comme un « sous-groupe à l’intérieur d’une population plus large partageant une descendance commune, réelle ou putative, une mémoire d’un passé commun et un accent culturel sur un ou plusieurs éléments qui définissent l’identité du groupe comme par exemple la parenté, la religion, la langue, un territoire commun, la nationalité ou l’apparence physique  ». En effet, ce qui sera qualifié « d’ethnique » par les uns ne sera pas considéré comme tel par d’autres qui utiliseront de préférence la notion de nationalité ou « d’origine étrangère ». Dans les lignes suivantes, nous abordons le concept d’ethnicité dans le contexte guinéen. 

b-         Ethnicité

Pourquoi le concept d’ethnicité fait débat dans notre quotidien ?

La réponse est très simple, c’est parce que l’impact du facteur ethnique dans les relations sociales nous concerne tous. Pensons à la diversité ou la catégorisation des individus au sein de notre espace de vie, mais également, à la place que peut prendre la construction explicite ou implicite dans l’affirmation d’une identité, qu’elle soit nombreuse ou pas, Guinéen ou Africain ou laïque. Compte tenu des références aux communautés ou identité, nous pensons que le concept d’ethnicité en Guinée, soit parce qu’on le tient pour trop peu précis, soit parce qu’on a la peur de son emploie dans les analyses sociologiques, on participe à renforcer son recours par les acteurs sociaux. Par contre, oublier ou laisser de côté en raison de difficultés qu’il amène risque d’entraîner l’impuissance de notre manière de voir la pluralité de notre société moderne caractérisée par une mixité sociale et culturelle. D’ailleurs, Max WEBER dans les relations ethniques considère l’ethnicité comme un construit social, analyser des mécanismes de formation, de maintien et de transformation des groupes, des frontières et de sentiments d’appartenance. 

Pour notre part, le concept d’ethnicité est une appartenance symbolique et la sociologie de ces appartenances nous amène à une réflexion critique de l’importance des classes et des outils pour les analyser. Weber, Hughes, Barth cité par Gabriel Gosselin , l’ethnique est une affiliation particulière, fait, sentiment, volonté qui rapporte un groupe ou un individu à des genèses supposées communes, « peu importe qu’une communauté de sang existe ou non objectivement » (Weber), et qui de ce fait instaure dans le groupe et entre le groupe et d’autres semblables des relations spécifiques. Le sentiment ethnique, c’est celui d’être « nous », reliés à nos origines et différents des « autres » et de leurs origines. Après avoir définir l’ethnicité, il convient maintenant de s’attaquer au concept d’identité politique toujours en rapport avec le contexte guinéen.

c-         Identité politique

De quoi parle-t-on ? Pourquoi l’identité politique ? Pour quel but ?

L’identité est un concept qui manifeste un intérêt particulier en sciences humaines et sociales dans les études identitaires de notre société. Il fait l’objet de débats ou contradiction chez les politiques, les médias, les chercheurs, etc. où chacun interprète selon son environnement de recherche. En sociologie ou en sciences politiques, l’identité est définie comme un construit, le produit contingent et évolutif des luttes entre acteurs sociaux qui s’affrontent pour sa définition.

Le concept d’identité se présente comme une clé de la compréhension et de l’explication des phénomènes. Parce qu’en fin de compte, nous avons compris que ce ne sont pas les identités qui sont diversifiées, comme une image abusive du terme le laisse généralement supposer. Et pourtant, ce sont les phénomènes d’appartenances ou d’identifications sociales des individus qui le sont. Ces dernières structurent en configurations d’identification qui ne sont pas une simple association des uns contre les autres. Sur ce point, nous partons de l’hypothèse qu’elles sont gérées par forces, que nous allons appeler par la notion d’identité. À cet effet, voyons donc l’identité comme une norme organisatrice des différenciations qui sont propres à chacun de nous. Selon Erving GOFFMAN (1973, 1974, 1975), les individus ont plusieurs identités qu’elles relativisent en fonction des situations où ils se trouvent. Le but est de s’établir des interactions satisfaisantes dans la vie sociale. Pour cet auteur, l’individu est caractérisé comme acteur social qui joue un rôle.

Considérons l’identité comme un objet d’étude en sociologie dans l’optique de comprendre la manière dont la construction de la réalité sociale et le rapport qu’il s’établit par l’intermédiaire des groupes d’appartenances socioculturels. Définir l’identité politique d’une manière plus particulière, nous amène d’abord à réfléchir ce qu’est le politique au rapport du social. C’est de là où la sociologie politique tire son origine, nous avons considéré que la particularité de l’identité politique existait dans la relation à la sphère particulière qu’est la politique institutionnalisée. Cette définition nous amène inévitablement à confondre l’identification et l’identité : seraient donc politiques des identités rangées dans un domaine de différenciation entre les rpgistes et les ufdgistes,… dans le but d’être représenté au sein d’un parti politique. Enfin, retenons que l’identité politique n’est ni un objet, ni une caractéristique, ni un état, elle reste un élément théorique, c’est-à-dire impalpable et insaisissable.

d-         Démocratie

Le mot démocratie a une histoire et une réalité ?

Tout au long de la journée, le concept démocratie fait l’objet des discussions dans nos espaces de vie (résidences, bureaux, bars-café, transports en communs, milieux scolaires et universitaires, les salles de sports, etc.). La plupart de ces échanges sont basés sur la manière de la conquête du pouvoir, promesses électorales et l’exercice de la fonction d’élu. Dans la démocratie, les élections ne sont-elles pas apparues magiques pour l’Afrique ? Car, les origines proviennent de la Grèce antique en passant par la Rome antique, de l’époque médiévale au siècle des lumières, etc. Cette démocratie a connu une longue procédure avant de devenir celle que nous connaissons aujourd’hui. En effet, la démocratie athénienne est tout à fait différente des démocraties modernes et ne s’est pas instaurée en un seul jour. L’implantation d’un régime politique où la majorité des citoyens peut participer à la prise de décision était inédite dans le monde grec.

Cependant, la démocratie en tant que régime politique se distingue de l’aristocratie, de la monarchie ou de la dictature. Dans le langage courant ce système de gouvernance est « le gouvernement du peuple, par peuple, et pour le peuple » (Abraham LINCOLN). Pour être plus précise, nous pourrons dire que, dans un système démocratique, le pouvoir émanant du peuple, est exercé par le peuple, et en vue de ses propres intérêts. En d’autres termes, la démocratie est un processus d’égalisation des conditions de vie qui se traduit par une mobilité sociale et une tendance à l’homogénéisation de la population (A. De Tocqueville).

À travers ces définitions, pouvons-nous dire que la Guinée est un pays démocratique ou en voie d’une démocratisation très complexe ?

Les principes de la démocratie se reposent sur l’alternance de la magistrature suprême, l’État de droit, la séparation des pouvoirs et son application, le pluralisme démocratique, le gouvernement et l’opposition, l’opinion publique, la liberté des médias, etc. 

Notre article s’intéresse sur le contexte guinéen, donc, nous admettons que le principe de démocratie portant sur le gouvernement et de l’opposition reste un champ d’étude pertinent dans les sciences politiques. Tout régime démocratique implique, selon le courant politique, la présence de forces d’opposition. Les études sur la démocratie et ses composantes restent donc intrinsèquement liée à des études de l’opposition. Selon Nathalie BRACK et Sharon WEIBLUM, toutes deux assistantes en sciences politiques à l’université Libre de Bruxelles et membre du Cevipol (Centre d’Étude de la Vie Politique) définissent l’opposition politique comme des poids et contrepoids, aux conflits institutionnalisés ou encore aux partis minoritaires, la littérature fournit des définitions variées et parfois floues de l’opposition. Dans un sens large, l’opposition politique a été mobilisée pour se référer à une position « de désaccord vis-à-vis de quelqu’un d’autre », à savoir, le gouvernement. Ainsi Dahl (1973 : 13) a suggéré qu’une opposition existe lorsque « B s’oppose au comportement d’un gouvernement A » tandis que Lonescu et de Madariaga (1968 :83) ont défini l’opposition comme « la contrepartie dialectique du pouvoir […] logiquement et morphologiquement» .

En d’autres termes, l’opposition politique est un parti ou un ensemble de partis unis dans une perspective de conquête du pouvoir politique (Georges Vedel). A travers cette définition, peut-on qualifier l’opposition guinéenne d’opposants politiques ? Le manque de cohésion sociale est caractéristique des partis qui la compose. Pour ne pas être naïf, la majorité des partis d’opposition sont à caractère ethnique, communautaire ou des groupes d’intérêt sans véritables stratégies pour contrer le pouvoir en place. En conséquence, nous remarquons que les personnes neutres de toutes colorations politiques ou communautaristes sont victimes parfois des insultes ou des accusations sur les réseaux sociaux, les forums, les émissions télévisées,… pour la simple raison qu’elles ont pour patronyme DIALLO, TOURE, SOUMAH, KAMANOH, KOUYATE, KEIRA, CONDE, SOW, etc.

En outre, le code conduit entre majorité et opposition serait cependant, la concurrence en vue de la conquête du pouvoir légalement, la tolérance dans son exercice et l’alternance. La présence d’une opposition forte et unie garantit le dialogue de points de vue corrélés par des controverses « utiles » pour le pays. Je dis bien utile. En tenant compte des actions du gouvernement et non la personnalisation de l’institution. En Guinée, l’opposition ne fait pas ou presque de distinction entre la personne en tant qu’un individu et l’institution que ladite personne représente. De plus, la majorité des leaders des partis de l’opposition guinéenne de nos jours sont des anciens ministres dont les résultats ont été insuffisants face aux attentes de leur employeur et du peuple de Guinée. Le témoignage de l’ancien ministre de l’unité nationale et de la citoyenneté aux QG de RPG-Arc-en-ciel et de l’UFDG illustre bien dans quel contexte certains partis ont été créés en République de Guinée : « Si demain, le président de la République décide de m’enlever, contrairement à la tradition nationale d’ailleurs, je vous assure que je ne serai pas son opposant, j’irai ailleurs pour faire un autre travail ». Dans ce contexte, il me semble difficile de considérer ces Hommes politiques qui se réclament étant des opposant-e-s du président CONDÉ et le gouvernement d’Ibrahim Kasory FOFANA. Parce qu’on ne devient pas un adversaire politique quand on n’est plus aux affaires (ministre) ou on souhaite protéger les biens mal acquis.

Être opposant, il s’agit de faire la promotion des projets de sociétés concrète et réalisable dans le temps. Avoir le goût de l’intérêt pour tous, le respect des engagements (politiques et sociales), la fidélité, le pardon, le désir de partage,…

Le manque de technicité des opposants guinéens en matière de politique occasionne parfois le pouvoir, le rejet ou le refus de leur point de vue. Dans la majorité des cas, nous observons que l’individu « je » qui est visé et non l’institution elle-même dans sa globalité. Comme le note un leader politique au micro de Guinée live : « Alpha CONDÉ ne mérite pas la Guinée, il n’a qu’à aller chez lui […]. Nous, nous sommes Guinéens, parce que, moi, je peux montrer les tombes de mes grands-parents. Mais Alpha Condé ne peut pas montrer la tombe de son père. Je peux montrer la tombe de ma mère, mais Alpha Condé ne peut pas montrer la tombe de sa mère […] . Selon la constitution, pour se porter candidat à la magistrature suprême de la république en Guinée, il faut être de nationalité guinéenne, être âgé d’au moins trente-cinq ans, être en bonne santé et jouir de ses droits civils et politiques. Que vous connaissiez votre arbre généalogie ou pas cela n’affectera pas votre candidature.

Pour plus d’efficacité, l’opposition doit jouir de droit parlementaire et en aucun cas le gouvernement central doit toucher les organes juridiques de façon spontanée. A seule condition que cette révision constitutionnelle présente une nécessité pour le pays dans son ensemble. Et si cela arrive, les opposants politiques ont le droit d’interpeller le parti majoritaire et d’émettre ses critiques avant de sacrifier les vies humaines (mineurs) au nom de la démocratie pour paralyser non seulement les activités socio-économiques mais aussi calciner le peu d’infrastructures que le pays dispose, faire fuir les investisseurs, donner une mauvaise image à la Guinée, et du Guinéen etc. Pour justifier cela, je vous invite à taper le 28 septembre sur une barre de recherche de votre choix, vous aurez plus de renseignements sur le 28 septembre 2009 que celle  du 28 septembre 1958. Et pourtant, le 28 septembre 1958 représente une date plus importante dans l’histoire de notre pays. A cette date, la Guinée a été le seul pays parmi des pays d’Afrique française à dire « non » à la proposition du Général De Gaule, c’est-à-dire la France. Ce qui est pitoyable, c’est de voir les personnes supposées représenter un parti politique dire ceci : « je suis choqué, je suis révolté de savoir que la fête de l’indépendance, bien qu’elle soit solennelle, se déroulera au stade du 28 septembre, un endroit où des guinéens ont perdu la vie. J’estime pour ma part que cette décision est une insulte à toutes les victimes des massacres du septembre 2009 ». Par ce passage, nous partons de l’hypothèse selon laquelle les organisateurs de ladite manifestation à cette date aussi importante avaient pour ambition de salir le travail courageux des pères fondateurs de l’indépendance de la République de Guinée.

 Il est nécessaire alors de mettre en place des organes juridiques et sociaux où chacun se voit représenter de manière équitable. Pour entrer en détail, l’opposition doit avoir accès aux médias pour présenter son programme au même titre que le gouvernement. Malgré la présence de normes d’impartialité, l’équité entre ces deux entités n’est possible que si les deux parties s’engagent à respecter et à faire appliquer les principes fondamentaux de la démocratie et manifestent leur volonté d’agir pour l’intérêt supérieur de la République.

Je conclue cette partie par la définition suivante : la démocratie est un système politique où chacun doit pouvoir librement exercer sa parole et la mêler à la parole collective et/ou publique, aux discours contradictoires ou convergents, qui fondent par la négociation ouverte et perpétuelle la vie sociale et ses modalités (P. BLANCHET, 2016 : 35). 

Le système démocratique et le vivre ensemble en Guinée

La recherche sur la démocratie se distingue entre les modèles et les expériences. Les modèles sont du type normatif qui décrit ce qui devrait être la démocratie. Alors que, les expériences montrent le fonctionnement et l’instauration de l’ordre démocratique (Patrick QUANTIN) . A travers ces types de démocratie, nous pouvons dire que, la démocratie n’est pas un système politique nouveau pour l’Afrique ou en Guinée. Bien avant 1990 , le système démocratique était déjà présent dans le continent sous d’autres formes. Les empires, le modèle socialiste africain où les pan-africanistes avaient l’idée de partage du pouvoir notamment grâce à la participation de la société civile dans son fonctionnement. Nous vous citerons quelques exemples : Les Akan du Ghana considéraient que le pouvoir d’un chef découlait du peuple.

Les pan-africanistes tels qu’Ahmed Sékou TOURE, Nelson MADELA, Kenneth KAUNDA, Julius NYERERE etc. ont été démocratiques en leur temps. Pour eux, la démocratie est un élément identitaire qui permet de parvenir à un consensus dans la participation de tous à la prise des décisions qui leur concernent. D’ailleurs, le propos de N. MANDELA décrit bien ce passage : « alors notre peuple vivait en paix, sous le gouvernement démocratique de ses rois […]. Alors le pays était à nous, notre nom et notre droit […]. Tous les hommes étaient libres et égaux et c’était là le fondement du gouvernement. Le Conseil [des anciens] était si totalement démocratique que tous les membres de la tribu pouvaient participer à ses délibérations. Chef et sujet, guerrier et guérisseur, tous prenaient part et s’efforçaient d’influencer les décisions  ». Cet extrait montre le caractère spécifique d’une démocratie à l’africaine où aucune couche sociale n’était exclue. Or, pour l’Afrique, les décisions sont souvent dictées par une portion parmi les citoyens (Député, Sénateur, Haut Conseil de l’État, Coordination Régionale, etc.) soi-disant défenseurs de l’intérêt général. Quel intérêt s’agit-il ? Quand ces institutions pensent qu’elles sont au déçu des normes juridiques et morales de notre société.

Au lendemain des indépendances des États africains, de nombreux régimes politiques étaient dans une situation de désordres social et politique. Pour pallier ce phénomène, le système de Parti unique fut instauré avec pour objectif de fédérer la compétence de tous, pour la création ou la consolidation de l’État-nation. Ahmed Sékou Touré est élu à la tête de la Nation guinéenne en 1958 après avoir mené campagne pour le « NON » au référendum du 28 septembre de la même année avec le PDG-RDA fondé le 14 mai 1947 et d’autres partis alliés. Le président de république s’est engagé à unir tous les Guinéens autour de l’unité nationale sans distinction de leur filiation sociale ou politique. Le témoignage de Devey (1997) nous confirme cela : « les objectifs que se donnait le socialisme guinéen visaient à créer une nation guinéenne par-delà les groupes ethniques et régionaux ». Ce pari a eu un impact positif sur la Guinée et le Guinéen en ce temps-là. Pour certains détracteurs, le pouvoir a dévié par rapport à ses objectifs en faisant une sorte de personnalisation ou d’ethnicisation du pouvoir. Sow (1989 : 387) « la guerre contre les Peuls, identifiés à l’ennemi à abattre pour permettre la trans-croissance de la révolution, répondait à l’impératif d’épuration globale de la société guinéenne en 1976 ». En ce référent à cette période, rien ne prouve la véracité du propos de SOW. Car tous les comportements de la France et ses alliés à l’encontre de la Guinée après son « non » du 28 septembre 1958. La plupart de ces écrivains ou hommes politiques ignoraient la réalité en occurrence la manière dont le pouvoir révolutionnaire gouvernait la Guinée. En effet, la France et ses alliés en passant par certains guinéens ont mis des stratégies en place dans l’objectif de  faire échouer ou déstabiliser le régime révolutionnaire de Conakry dans tous les secteurs d’activité. L’agression des années 70 en un exemple parmi tant d’autres. De même, le témoignage André Lewin (2002) ancien ambassadeur de la France en Guinée de 1975 à 1979 illustre bien ce passage : « Jacques Foccart a essayé de monter une opération pour renverser Sékou Touré dans le courant de l’année 1959-60. C’est après l’indépendance de la Guinée que Foccart et les services secrets français ont commencé à monter ce coup qui a été un ratage complet, pour des raisons qui sont presque ridicules… mais c’est une autre affaire. Mamadou Dia ne vous a pas trompés, ce qu’il vous a dit est la vérité, il y a bien eu une tentative, une tentative qui a été montée principalement à partir du Sénégal ; accessoirement à partir de la Côte d’Ivoire. L’objectif était de se servir de l’opposition latente des Peuls du Fouta Djallon, et de le soulever contre Sékou Touré. Mais l’opération n’a pas marché parce qu’elle a été décelée à temps par Sékou Touré, et par conséquent, elle a été démontée. Il y a eu une préparation, mais une préparation qui n’a pas abouti à une tentative de coup d’État, ou de putsch. Dans l’esprit de Foccart, le but précis de l’opération était de faire sauter Sékou Touré. C’est évident » . A travers ce témoignage, nous partons de l’hypothèse selon laquelle certains hommes politiques, commerçants, intellectuels,… avaient pour but d’anéantir la Guinée et son président pour des fins personnels ou politiques. Rares sont les publications des détracteurs des ennemis de l’homme qui font mention de cette réalité.

Les sociologues n’ont pas tort en disant que l’homme est le fruit de son milieu social (E. Durkheim). En aucun cas, nous soutenons le président TOURE mais, nous vous invitons à relativiser les choses à les mettant dans leur contexte. A la mort de ce dernier  en 03 avril 1984, l’armée s’empare du pouvoir à la tête un colonel et promettant l’instauration du pluralisme et le respect des lois du pays.

C’est dans ce contexte qu’en 1990, la gouvernance par les principes démocratiques a fait son entrée et a mis fin au parti unique en République de Guinée tout comme dans d’autres pays d’Afrique. Le succès de ce processus est lié aux types des remèdes apportés aux causes de l’effondrement de système politique et de l’autorité de l’État. A cet effet, nous constatons alors l’influence de l’appartenance sociale dans le choix des électeurs lors des consultations électorales dans plusieurs pays d’Afrique notamment dans les pays francophones. Ceci n’est pas le fruit du hasard, c’est l’une des traces que l’entreprise coloniale a laissé en Afrique. Dans toutes les colonies françaises, les individus s’identifient de leur appartenance sociale (lieu de résidence, religion, ethnie, langue, culture, etc.). Cette catégorisation sociale autrement appelé « diviser pour régner » a été une méthode efficace utilisée par l’administration coloniale dans toutes ses colonies. Et, cette stratégie a eu une conséquence néfaste sur le bon fonctionnement du système de gouvernance dans ces pays. L’existence du concept « ethnie ou ethnicité » en Afrique sont des constructions qui émanent de l’entreprise coloniale pour implanter sa suprématie « mission civilisatrice, appropriation des matières primaire, etc. ». La presse à son tour utilise cela pour dénoncer les maux dont l’Afrique ou la Guinée souffre à l’ère moderne.  

Au XXème siècle, les ethnologues, anthropologues voire les sociologues ont été sollicités pour prendre part à la classification mise en œuvre par l’entreprise coloniale française en Afrique. Ces scientifiques catégorisaient à des fins de contrôle, de démographie et de cartographie des peuples indigènes. À long termes, cette catégorisation dépasse quasiment le domaine bureaucratique de l’entreprise coloniale et participe à faire de l’ethnie un ordre « naturelle » de réflexion chez les chercheurs (anthropologues, ethnologue, historiens, sociologues, politologues, etc.) à des fins scientifiques. Sans remettre en cause la construction de cette classification, le groupe ethnique voit alors son apparition comme un objet d’analyse chez les fonctionnalistes dans l’entre-deux-guerres. Selon C. Coulon, Professeur de Sciences Politiques à l’Institut D´Études Politiques de Bordeaux, les appartenances ethniques ne sont pas incompatibles avec la modernité et le progrès qui sont tant souhaités des pays en développement comme la Guinée par exemple.

Pour les sociologues comme A. TOURRAINE, la démocratie assure la liberté du débat politique. Dans cette logique, la démocratie est définie en fonction de sa substance. En d’autres termes, par ses procédures. Elle est la liberté des élections, préparée et garantie par la liberté d’association et d’expression, elle doit être complétée par des règles de fonctionnement des institutions qui empêchent le détournement de la volonté populaire, le blocage des délibérations et des décisions, la corruption des élus et des gouvernants. Elle s’est donnée pour objectif principal de créer une société politique dont le principe central devrait être l’égalité pour tous.

Les tenants du courant de l’approche instrumentalistes considèrent l’ethnie comme les instruments de compétition politique autant que les pratiques politiques de l’exercice du pouvoir. Pour eux, l’ethnicité est une idéologie permettant, d’une part, de conquérir la magistrature suprême. D’autre part,  de la conserver au travers des manipulations des individus dans les rapports socio-politiques. La pratique de ce phénomène amène les chercheurs des sciences humaines et sociales à mettre l’ethnicité comme une réalité nouvelle. Pour Marco Martiniello (2015), il s’agit d’un « phénomène identitaire neuf favorisant l’émergence de nouveaux acteurs politiques ». En conséquence, les appartenances sociales seront mobilisées dans la recherche du pouvoir et des biens économiques dans notre société par les acteurs sociaux. Et, pourtant, l’appartenance sociale n’est pas l’élément le plus important ou primordiale à la conquête ou l’exercice du pouvoir. À cette partie, nous admettons que l’ethnicisation des partis politiques occasionne la fragilisation de la cohésion sociale dans notre société multiethnique. Selon la théorie démocratique « la diversité ethnique amoindrirait de façon significative ce sens de communauté politique et aurait donc un impact négatif sur la stabilité politique » . Ainsi, le respect de la liberté et de la démocratie exige le respect de la coïncidence de la frontière de l’État et les frontières ethniques. Mais ce que nous constatons en Guinée est l’utilisation des électeurs soit par les intellectuels, les élites ou par les hommes ou les femmes politiques à des fins politiciennes. Ces manipulations politiques ont conduit la jeune démocratie guinéenne, d’une part, dans une révolte sans limite. D’autre part, elles ont favorisé les conflits interethniques et rendu l’instauration d’un régime démocratique difficile pour ne pas dire impossible (Easterly, 2000). De plus, elles expliqueraient en partie le niveau de corruption et dégraderaient le bon fonctionnement des institutions étatiques. Les élections de 2010 ou du  04 février 2018, etc. sont des exemples.

La société guinéenne traverse un moment très décisif de son histoire contemporaine. Cela est visible à travers certains propos que nous attendons tout au long de la journée : « c’est nous les victimes, c’est notre tour, les régimes précédents nous ont toujours relégués au second plan, la Guinée appartient à nous, c’est nous les perdants de ce pouvoir, immigré en Europe est une solution,… ». À cet effet, j’attire l’attention du peuple de Guinée dans sa globalité et en particulier la jeunesse à laquelle l’avenir de ce beau pays vous appartient. Il est temps de comprendre les méthodes adoptées par les acteurs de la vie politique et ses effets négatifs dans la cohabitation. Combien d’hommes et de femmes ont perdu leur vie ou ont été obligés de quitter les siens sans aucune idée de leur destination sous la première et la seconde république en raison de leur appartenance politique ou ethnique. Du côté de l’opposition aussi vous le savez mieux que nous. La présence des anciens adversaires politiques du pouvoir en place au Palais Sékoutoureya (palais présidentiel guinéen) ne vous dit rien ? Où est passé le fonds accordé aux victimes du 28 septembre 2009 au stade de Conakry ? L’opposition manifeste tout le temps, le témoignage d’un responsable d’un établissement d’enseignement public illustre bien ce passage : « les manifs de l’opposition viennent augmenter nos malheurs. Quand, il y a les marches, les élèves ne viennent pas à l’école et les professeurs aussi. Pour la journée du lundi au lycée collège de Kaporo, seulement 60 élèves sur un effectif de 685 élèves se sont présentés dans les salles de classe  ». Tout cela ne vous a pas inspiré de la stratégie adoptée par les leaders politiques en Guinée. 

En République de Guinée, la mise en place d’un système de gouvernance où toutes les catégories sociales se sentent représentées se heurte toujours à des barrières socio-ethniques. En effet, le débat sociopolitique cède la place aux ismes : militantisme, népotisme, clanisme, affairisme, etc. comme une méthode de gouvernance dans un pays qui se dit démocratique. En conséquence, nous assistons au bouleversement de la vie sociale. De plus, la constitution et les lois sont bafouées par des personnes qui sont censées les protéger. Les crises sociopolitiques sont devenues des réalités quotidiennes qui plongent la majorité des Guinéennes et Guinéens dans une misère sans fin. Il est temps d’agir en changeant les mentalités pour élire les hommes politiques qui à leurs tours vont penser et œuvrer à un changement qualitatif de notre pays, comme le rappelle J. J. ROUSSEAU dans le contrat social en définissant la politique comme : «un art et une valeur de gestion de la cité, c’est en raison de sa finalité d’assurer à tous et à chacun le bien être auquel tout être humain peut légitimement prétendre lorsqu’il passe de l’état de nature à la vie social ».   

Les consultations électorales de 2010 (présidentiel), de 2013 (législatif), de 2015 (présidentiel), ont laissé dernières des familles endeuillées, des orphelins, ont engendré des destructions des biens publiques et privées, les vacances forcées des travailleurs, des exils politiques, etc. Le scrutin de 2010 a été qualifié par les observateurs nationaux et étrangers comme le premier scrutin démocratique dans l’histoire de notre pays. Vu les conséquences néfastes de ce rendez-vous électoral, nous nous posons la question suivante : de quelle démocratie s’agit-il ? Sékou TOURE ou Lansana CONTE n’ont-ils pas été démocrates à leur temps. Si ce sont les pertes en vie humaine ou les troubles sociaux que vous appelez démocratie, pour notre part, nous mettons cette démocratie en cause. Car, la démocratie part de la confrontation des idées jusqu’à l’aboutissement du consensus par la majorité tout en respectant la minorité. Tel est le cas en Guinée ?

Les élections locales du 04 février 2018, le pays a été en proie à une vague de violences post-électorales. Toutefois, nous affirmons qu’aujourd’hui en Guinée, les violences ne pourraient d’être que les conséquences de la démocratie, de la communautarisation de la classe politique. Que ce soit par le pouvoir en place ou de l’opposition, l’instrumentalisation des appartenances sociales à des fins politiques ne permet plus l’évolution des principes démocratiques. Ce dernier scrutin local en Guinée devrait d’être un moment opportun pour montrer une image de la République de Guinée différente de coloration ethnique en dehors de nos frontières. Mais hélas, la situation ne fait que s’aggraver. François Soudan (2018) : « On se demande parfois à quoi servent certaines élections si elles doivent déboucher sur le cycle contestation-agitation-déstabilisation-régression »  se demande le directeur de la rédaction du Journal Jeune Afrique. La démocratisation est un processus long et complexe. Tandis que, l’ethnicité n’est qu’une forme de classification sociale et politique et une forme d’inégalité structurelle parmi d’autres. Pour reprendre l’expression de P. Brass (1991), le mieux pour notre société est d’éviter d’amplifier l’importance et la portée de l’ethnicité comme la seule dimension significative de la vie sociale.

En conséquence, la société guinéenne est reconnue de nos jours à travers des idéologies communautaristes et ethniques qui fragilisent la cohésion sociale dans notre pays. Cela est visible dans le quotidien de la majorité des Guinéens quel que soit leur espace de vie. Pour comprendre ce passage, je vous invite à lire les commentaires inter-guinéens sur les réseaux sociaux. De même que le propos d’un membre du parti au pouvoir sur les effets néfastes de la catégorisation régionale à des fins politiques légitimées par l’État : « J’exhorte le gouvernement guinéen, les intellectuels guinéens à envisager déjà la dissolution des coordinations régionales, causes principales de la fracture sociale rassurez-vous. J’invite à un débat intellectuel à propos pour sauver la Nation. En effet, depuis leur réinstallation elles sont devenues le « mur de lamentation » de tous les déçus, de tous les frustrés en quête de pouvoir ou de position sociale. À la décharge de feu Ahmed Sékou Touré, père de l’indépendance nationale, dans sa quête de bâtir une nation forte, aura banni cette arme de division massive et la Guinée s’en portait mieux. Qui peut me dire que ces coordinations régionales ne sont pas la véritable source de la montée identitaire rétrograde ? … » . Georges Sarre (2003) illustre bien la divergence entre le communautarisme et la citoyenneté. Pour lui : « le communautarisme réduit l’individu à son l’identité ethnique ou religieuse. C’est le contraire de la citoyenneté qui intègre et rassemble dans un projet collectif. Le communautarisme divise, oppose, attise les conflits, mène au racisme et à l’exclusion. La République est le destin commun de ceux qui ont choisi (…), quels que soient leur origine, leur sexe, leur religion, etc. C’est elle qui est la cible des communautaristes et des intégristes qui veulent imposer une société cloisonnée, fermée, à l’anglo-saxonne, où à chaque ethnie correspond un quartier, où plus personne ne communique avec l’autre parce qu’il est différent  ». 

Alternance politique en Guinée : Peut-on parler d’un régime démocratique sans alternance ?

La conception classique de la démocratie repose sur la souveraineté populaire et est définie par le président A. LINCOLN comme « le gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple ». Nous pouvons, donc, dire que la démocratie est la faculté que possèdent les citoyens de reconduire ou d’écarter selon leur bon vouloir les gouvernants à la suite d’une élection libre et concurrentielle dans un contexte de pluralisme politique. Dans ce contexte, il nous semble difficile de parler d’un régime politique dont le pouvoir appartient au peuple sans s’interroger sur le sens du concept de l’alternance.

Étymologiquement, le concept d’alternance vient du verbe « alterner », emprunté au latin « alternerai », synonyme au moyen-âge de « variare », consistant à faire tour à tour une chose puis une autre. C’est par cette logique que Léo HAMON définie l’alternance comme « l’idée de succession régulière, de recommencement répété, dans une série donnée, de la même séquence reprise et défaite et encore reprise ». A travers ces définitions, nous constatons qu’il n’y a pas de régime politique sans succession de pouvoir entre la majorité et l’opposition, c’est-à-dire, l’alternance politique.

Pour le cas guinéen, le premier constat est qu’il n’y a pas d’alternance à l’interne des partis politiques. Rare sont des partis politiques pour ne pas dire qu’il n’existe pas qui ont connus une succession à sa tête. La seule possibilité d’alternance reste d’abord le décès. Par exemple, le P.U.P du Général Lansana Conté, l’U.F.D.G de Bah Mamadou, l’UPG de Jean-Marie DORE, etc. Comment pouvons-nous imaginer une alternance politique dans un pays où les leaders politiques ni les militants et sympathisants n’ont pas la culture de succession ? Dans ce contexte, nous vous invitons à une dépersonnalisation du pouvoir qui nous amènera à la démocratisation de nos différents partis politiques. Le fondateur d’un parti ne saurait être un président à vie de sa famille politique ni influencer les autres membres par son statut.

La confiance de l’opposition envers des institutions comme la commission électorale nationale indépendante par exemple est un élément nécessaire pour la transparence et l’acceptation des résultats des élections. Souvent ce que nous constatons en Guinée l’opposition conteste cette institution avant même les rendez-vous aux urnes. Donc, il faut du dialogue et le respect des normes juridiques et morales entre les parties prenantes à l’organisation des élections. En ce moment, l’acceptation des résultats (positif ou négatif), la limitation du nombre de mandat (parlementaire, présidentiel, communales, etc.) et le respect des droits de l’homme doivent être les valeurs partagées au sein de notre société. C’est ce qui nous amènera à des scrutins réguliers, transparents et acceptés par tous. De même que, le pouvoir en place doit assurer la tenue des élections libres, équitables et transparentes dans les délais définis par la constitution. L’absence de ce dialogue se traduit par des contestations à multiples facettes.

Le deuxième constat, les processus électoraux donnent fréquemment des désaccords à multiples formes qui ne servent plus à voir le vrai sens des élections. Le premier tour des présidentielles de 2010 au lendemain desquelles le Général Sekouba KONATE (ancien président par intérim) a été agressé verbalement par les militants politiques notamment de l’U.F.R de Sidya TOURE, témoignent de plus belle les contestations post électorales. La source du pouvoir est une émanation de la volonté des populations, c’est-à-dire du souverain, qui s’exprime au travers des votes. En outre, il est regrettable de voir que les ressources financières sont devenues l’élément fondateur et régulateur des relations entre les leaders politiques et les populations au détriment de projets de société profitables à toutes et à tous. 

D’ailleurs, les élus qui ont confisqués le pouvoir en écartant toute idée de succession jusqu’à leur mort ont laissé derrière eux parfois une société divisée, des mouvements politiques affaiblis par la corruption, une désespérance, etc. Au contraire, une Constitution respectée renforce l’ensemble de l’organisation de la vie démocratique qui passe par la légitimation du pouvoir, en assurant le pluralisme politique, économique, des élections libres, la liberté d’expression et de manifestation. Le renoncement à la révision, à la modification constitutionnelle pour des intérêts personnels ne peut qu’asseoir les principes démocratiques qui assureront à la suite un développement durable. 

La question portant sur l’alternance politique divise les citoyens entre les partisans et les détracteurs. Les débats constructifs cèdent la place aux raisonnements communautaristes, notamment les leaders politiques se croient les candidats légitimes au sein de leurs groupes d’appartenance, raisonne en matière d’alternance ethnique. Comme fut le cas de certains leaders politiques pour contrôler leurs communautés ethniques passent par des associations préfectorales, régionales, etc. La citation suivante confirme bien l’utilisation des associations informelles à des fins politiciennes : « Nous avons constaté que plusieurs de ces associations, notamment les régionales, peuvent devenir des bases électorales pour des cadres qui veulent faire de la politique ou alors alimenter directement un parti politique en place ». (A. A. B. Barry, 2000 : 151) .

Être candidat à l’élection que soit municipale, législative, présidentielle, etc., vous manifestez votre désir de servir vos compatriotes. Félicitations à vous Mesdames, Messieurs !  Au moment où certains sont tentés par la résignation, cette volonté d’ouvrer pour le bien de tous, est une bonne nouvelle. Respecter le peuple et les lois du pays fera de vous une grande personnalité pour l’humanité tout entière. Car, l’enseignement moral et civique a été ancré en nous depuis notre premier jour à l’école. Les institutions socialisatrices ont le souci pour une bonne transmission des valeurs transmises. La meilleure leçon du bon enseignement n’aura impact si les personnalités publiques font, dans la conquête et l’exercice de leurs fonctions, le contraire de ce qu’ils ont sensé à transmettre à leurs successeurs. Bref, le pouvoir n’est pas une « rente viagère  », mais un lieu transitoire d’exercice de la fonction d’élue, le consensus, à partir du moment où il affirme un rêve commun. Il est indispensable de mettre la société publique sur les règles juridiques issues d’un compromis (principes démocratiques) et destiné à s’instaurer de manière permanente et stable. A chaque fois qu’on touche la loi mère d’un pays, cela doit être traduise par une nécessité d’intérêt général. Dans les pays d’Afrique de l’ouest de manière générale et de la République de Guinée en particulier, il est intolérable de transformer les normes juridiques en instrument de perpétuation d’un pouvoir personnel, de clanique, dont la suite sera la déstabilisation sociopolitique du pays. Alors que l’élite guinéenne devrait porter sa charge, celle d’éduquer, d’éclairer, d’aider à faire accéder à la connaissance, d’aider par le savoir les citoyens à sortir des logiques exclusives mises en place par la domination occidentale. Ces hommes et ces femmes ont plutôt participé, par sa complicité, par son silence face à certains faits, à détourner le peuple guinéen des vrais enjeux de développement, en exacerbant des débats stériles comme la question ethnique qui caractérise les formations politiques de notre pays voire l’Afrique subsaharienne.

Quelle que soit l’analyse que l’on peut faire à propos de l’idée de la construction de l’identité politique dans la conquête et l’exercice du pouvoir en Guinée elle doit être basée sur des confrontations des projets profitables à l’ensemble du territoire national et non sur les appartenances sociales notamment ethnique. Le clivage des groupes ethniques a pris le dessus sur l’intérêt commun, chose qui n’est pas compatible à la démocratie. Pour ce faire, l’instauration de bipartismes avec les modalités de scrutin aux élections législatives et présidentielles sera une bonne idée dans un pays multiethnique comme le nôtre. Cela nous aiderait à résoudre en partie les conflits post-électoraux qui n’en finissent plus de ruiner le pays. De même que, le comportement des élites dirigeantes doit ainsi être exemplaire car ce sont des modèles. Le manque de leadership chez les élites dirigeantes suscite des difficultés au niveau des populations à se responsabiliser.

L’immigration des Guinéens vers l’Europe notamment la France fera l’objet de notre prochaine publication.

Sory KOUROUMA

sorykourouma@yahoo.fr 

Monsieur KOUROUMA est titulaire d’un Master en Sciences humaines, Mention Sociologie, Parcours de Recherche et Expertise obtenu à l’Université Rennes 2 avec mention Assez-bien en 2018.

Références bibliographiques

1. A. A. B. Barry, les violences collectives en Afrique : le cas Guinéen, l’Harmattan, 2000, p.127-128

2. Bulmer M. “The ethnic group question in the 1991 Census of population”, in D.Coleman et J.Salt (éd.), Ethnicity in the 1991 Census, vol. 1, p.33-62. – Londres, OPCS et HMSO, 1996.

3. Gabriel Gosselin, « Pour une ethnicité citoyenne », Cahiers internationaux de sociologie 2001/1 (n° 110), p. 121-130. DOI 10.3917/cis.110.0121, https://www.cairn.info/revue-cahiers-internationaux-desociologie-2001-1-page-121.htm

4. Chevallier Jacques (dir.), L’identité politique, coll. « Publications du CURAPP », 1994 ; http://www.persee.fr/docAsPDF/dreso_0769-3362_1996_num_34_1_1727.pdf

5. Origines de la démocratie : d’Athènes à aujourd’hui,  http://www.paricilademocratie.com/approfondir/pouvoirs-et-democratie/1434-origines-de-la-democratie-d-athenes-a-aujourd-hui

6. Nathalie BRACK et Sharon WEIBLUM, Pour une approche renouvelée de l’opposition politique, Revue internationale de politique comparée, 2011/2 (Vol. 18). https://www.cairn.info/revue-internationale-de-politique-comparee-2011-2-page-13.htm#no1

7. Violences postélectorales : Les vérités crues de Gassama DIABY aux militants du RPG, 10 février 2018 https://guineenews.org/violences-post-electorales-les-verites-crues-de-gassama-diaby-aux-militants-du-rpg/ 

8. Guinée LIVE, Alpha Condé est Burkinabé : Jean Marck TELLIANO dans les locaux de la gendarmerie, 12 mars 2013. http://guineelive.com/2013/03/12/alpha-conde-est-burkinabe-jean-marck-telliano-dans-les-locaux-de-la-gendarmerie/

9. Patrick QUANTIN, La démocratie en Afrique à la recherche d’un modèle. http://www.cairn.info/revue-pouvoirs-2009-2-page-65.htm

10. Nelson Mandela cité par George Ayittey, in « La démocratie en Afrique précoloniale », Afrique 2000, nº 2, juillet 1990, p. 39.

11. André Lewin, « Jacques Foccart et Ahmed Sékou Touré », Les Cahiers du Centre de Recherches Historiques [En ligne], 30 | 2002, mis en ligne le 22 novembre 2008, consulté le 18 février 2018. URL : http://journals.openedition.org/ccrh/712#authors

12. Alain TOURAINE, Qu’est-ce que La Démocratie ? Fayard, 1994, P.165

13. Bayart (J.-F.), L’État en Afrique. La politique du ventre, Paris, Fayard, 2006 (nouvelle édition augmentée), et « Africa in the World : A History of Extraversion », African Affairs, 99 (395), 2000.

14. Marco MARTINIELLO, L’ethnicité dans les sciences sociales contemporaines, Paris, PUF. 11 novembre 2015

15. Dama Camara, le proviseur du lycée-collège de Kaporo, Manifestations de l’opposition lundi à Conakry: Perturbation des cours dans 107 écoles de la commune de Ratoma. https://mosaiqueguinee.com/2015/05/06/manifestations-de-lopposition-lundi-a-conakry-perturbation-des-cours-dans-107-ecoles-de-la-commune-de-ratoma/

16. François Soudan, Directeur de la rédaction de Jeune Afrique. Une fois encore, la Guinée est en proie à une vague de violences post électorales, aux lendemains du scrutin du 4 février dernier. Comment faut-il comprendre ces poussées récurrentes ? Le 12 février 2018 à 12h43.

http://www.jeuneafrique.com/mag/529509/politique/elections-en-guinee%e2%80%89-la-rue-contre-les-urnes/

17. Dérives graves des coordinations régionales : Laye Junior Condé appelle à leur dissolution,

Dérives graves des coordinations régionales : Laye Junior Condé appelle à leur dissolution
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18. Georges Sarre, Communautarisme, 6 mai 2003, http://atheisme.free.fr/Citations/Communautarisme.htm

19. Marie-Christine STECKEL, Le Conseil constitutionnel et l’alternance, LGDJ, collection Bibliothèque constitutionnelle et de science politique, Tome 106, 2002, 398 p.

20. Léo HAMON, « Nécessité et condition de l’alternance », Pouvoirs, n° 1, 1977, p. 19

21. Barry, A. A. B., Les violences collectives en Afrique: Le cas Guinéen, Paris, L’ Harmattan, (juillet 2000), P.151



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