Scandale au sommet de l’état : Affaire des neuf milliard six cent millions GNF, Moustapha Naïté doit s’expliquer

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Il y a quelques jours, dans une vidéo, Amara kaba du collectif de la défense de la République de Guinée faisait des révélations fracassantes. Dans cette vidéo, il présente une demande de dérogation pour la passation des marchés par entente directe des travaux d’urgence d’assainissement de la ville de Conakry. Demande adressée au Ministre des finances par Moustapha Naïté.

La nature des travaux est présentée en ces termes :

« Ces travaux relatifs aux activités d’assainissement sont extraits du plan global d’urgence sur l’ensemble des voiries urbaines de Conakry élaboré par les services techniques du ministère des travaux publics. Ces activités portent sur les opérations ci-après : Curage des caniveaux ordinaires, curage des caniveaux spécifiques, curage des ouvrages sous-chaussées, curage des avaloirs, le désassemblage et le transfèrement des produits de curage à la décharge »

Ce programme a été lancé  le 9 juin dernier, par le Premier Ministre en grande pompe.  Comme annoncé plus haut, ces activités portaient donc sur l’élimination des 63 points de regroupements de déchets et de curage des caniveaux. Pour ces travaux, le gouvernement a débloqué la modique somme de 9 milliards 600 millions de francs guinéens.

Selon la demande de Moustapha Naïté, ces activités devraient être exécutées par la « Méthode de Haute Intensité de Main d’Oeuvre (HIMO) » à travers un effectif de 100 jeunes par quartier. Et deux sociétés ont bénéficié de ce contrat de gré à gré, ce sont : La Société de Gestion et de Construction Sarl, dont le siège serait à Dixinn, stade du 28 Septembre, dirigée par un certain Nowai Simone Kourouma, et la société AJM dirigée par un certain Marcio Cabral et dont le siège serait à Camayenne, immeuble Fofana BP : 6316.

Ces deux  sociétés, ont encaissé respectivement 1.675.7493.60 GNF et 1.953.043.200 GNF.

Pour tirer au clair cette affaire, notre quotidien a mené une enquête de terrain. Sur la base des données de l’investigation, ce dossier serait un gros montage et du faux et usage de faux au plus haut sommet de l’état.

De l’octroi des marchés :

Ces deux contrats ont été des contrats de gré à gré, même si cela a été justifié en se référant à l’article 37 et 38 du code des marchés publics. Ces articles disposent que :

« Un marché est dit de gré à gré ou par  » entente directe  » lorsqu’il est passé sans appel d’offres, après autorisation spéciale telle que définie à I’ article 38 confirmant que les conditions légales définies par la loi L/2012|NO2O/CNT du 11 octobre 20112 relative aux marchés publics et délégations de service public sont réunies. La demande d’autorisation de recours à cette procédure doit décrire les motifs la justifiant ».

L’article 38 précise l’autorisation préalable de l’octroi d’un tel marché. Il dispose que : « A l’exception des marchés visés à I‘article 39 ci-dessous, les marchés par entente directe doivent être préalablement autorisés par le Ministre chargé des Finances, après justification par I’ autorité contractante et avis motivé de l’ACGPMP ».

Autrement dit, dans ce type de contrat, l’on devrait passer par un appel d’offres ouvert, précédé d’une pré qualification (article 21 du code des marchés publics). Cet article dispose que : « l’appel d’offres ouvert peut être procédé dans le cas  des travaux  ou équipements importants ou complexes ou de service spécialisés. L’examen de la qualification des candidats s’effectue exclusivement en fonction de leur aptitude à exécuter le marché de façon satisfaisante et selon les critères suivants : références concernant des marchés analogues ; effectifs techniques ; installation et matériels dont les candidats disposent pour exécuter le marché ». Sur la base des données de l’enquête, ces deux sociétés n’avaient aucune chance de remporter ce contrat dans la mesure où  leur existence serait douteuse.

En effet, nous n’avons pas pu vérifier les qualités requises dont ces sociétés devraient disposer pour l’exécution de tels travaux.  Ainsi, l’on peut affirmer sans ambages que le motif d’urgence évoqué  par le ministère des travaux publics pour octroyer le contrat à ces deux sociétés n’est pas fondé. C’est donc une sorte de passe-droit entre les ministères concernés (finances et travaux publics), par conséquent une violation de nos lois.

Par ailleurs, ce type de marché ne doit jamais relever du domaine de l’urgence, en ce sens que c’est un travail quotidien et qui nécessite une ingénierie qui va du ramassage jusqu’à la transformation des ordures ménagères. En d’autres termes, c’est un travail qui nécessite une technique et des matériels appropriés. Or, au regard de ce qui procède, ces principes n’étaient pas respectés.

De l’existence réelle des sociétés

Pendant les deux semaines de l’enquête de terrain nous n’avons pas pu établir l’existence réelle des sociétés bénéficiaires. Et beaucoup de zones d’ombre planent sur  les dites sociétés.

La première ambigüité se trouve au niveau  d’une des factures dont l’entête comporte le logo d’une société et le nom d’une autre : il s’agit de la société SOGICO et la société de gestion et de construction. (Voir la vidéo), d’ailleurs aucune des deux sociétés n’est spécialisées dans les travaux de curage ou autres liés à l’assainissement.

Pire, les numéros de téléphones (664 23 64 85 et 622 23 64 85) associés à l’une des sociétés et figurant sur la facture n’appartiennent à aucun employé de la société. D’après nos enquêtes, le premier serait au nom d’un certain M. Camara que nous avons joint au téléphone, avec un français approximatif, nous a indiqué qu’il serait commerçant à Madina et le second est resté injoignable durant toute l’enquête.  En plus de cela, selon la facture, cette société a son siège à Dixinn au stade du 28 Septembre, or, après avoir arpenté les rues de cette partie de Dixinn, nous n’avons retrouvé aucune société portant ce nom.

La deuxième société qui est AJM et dont le siège est à Camayenne immeuble Fofana BP 6316, semble être aussi une société « fantôme ». Sur la base de nos enquêtes, l’immeuble Fofana (voir photos) n’abrite aucune société, c’est un immeuble à usage d’habitations, et pire, la boîte postale numéro 6316 associée à la société serait  aussi au nom d’une autre société du nom de Guinée Comex SA

Étrangement, dans tout cet imbroglio, Moustapha Naité n’a pas daigné à associer le ministre de la jeunesse à ce projet, pourtant il devrait embaucher 100 jeunes par quartier, donc du domaine du ministère de la jeunesse et de l’emploi jeune. Ainsi, l’on peut dire que cette affaire nécessiterait l’ouverture d’une enquête parlementaire en vue d’apporter des réponses à ces questions. Ce qui est sûr, toutes les sociétés qui figurent sur les factures  ne sont pas bénéficiaires de ce contrat.

Sur ce, la question que l’on se pose est de savoir : Quelles sont les sociétés bénéficiaires de ce contrat  ? Seul Moustapaha Naité peut répondre à cette question.

Conclusion:

Les enquêtes de terrain ont révélé de graves dysfonctionnements au niveau de l’octroi de ce marché, mais aussi et surtout des zones d’ombres qui planent sur l’existence réelle de ces sociétés. Ces faits nous amènent à affirmer que ce dossier serait un montage grotesque, et du faux et usage de faux au plus haut sommet de l’état.  C’est pourquoi le site souhaiterait avoir un droit de réponse de Monsieur Moustapha Naïté, tout en précisant que celui-ci sera publié sur notre site. Ainsi, cette réponse  permettra de lever toutes ces ambiguïtés.

Pièces à convictions :

Demande de dérogation pour la passation des marchés

Vidéo :



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