Mort du chanteur sud-africain Johnny Clegg, le « Zoulou blanc » qui combattait l’apartheid

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Le musicien avait notamment connu le succès avec « Asimbonanga », chanson dédiée à Nelson Mandela, en 1988. Il a succombé à un cancer qu’il combattait depuis plusieurs années.

Le musicien sud-africain Johnny Clegg, surnommé le « Zoulou blanc », est mort, mardi 16 juillet, d’un cancer, a annoncé son manager à la chaîne de télévision publique SABC. « Johnny est décédé paisiblement aujourd’hui, entouré de sa famille à Johannesburg (…), après une bataille de quatre ans et demi contre le cancer », a déclaré Rodd Quinn. Il avait 66 ans. « Il a joué un rôle majeur en Afrique du Sud en faisant découvrir aux gens différentes cultures et en les rapprochant, a ajouté le manager dans un communiqué. Il nous a montré ce que cela signifiait d’embrasser d’autres cultures sans perdre son identité. »

Johnny Clegg a puisé dans la culture zoulou son inspiration pour concevoir une musique révolutionnaire, où les rythmes africains endiablés cohabitent avec guitare, clavier électrique et accordéon. Chanteur engagé contre l’apartheid, Johnny Clegg avait connu le succès avec son groupe Savuka. En 1988, leur chanson Asimbonanga (« nous ne l’avons pas vu ») avait été dédiée à Nelson Mandela, qui était alors prisonnier et dont les photos étaient interdites.

Interdit pendant l’apartheid

Pendant les pires heures du régime raciste, ses chansons ont été interdites. Pour contourner la censure, il a été contraint de se produire – avec son groupe Juluka, formé avec le musicien zoulou Sipho Mchunu – dans les universités, les églises, les foyers de migrants et chez des particuliers. « Nous devions faire preuve de mille et une astuces pour contourner la myriade de lois qui empêchaient tout rapprochement interracial », racontait-il à l’Agence France-Presse en 2017.

Malgré tout, l’intraitable police de l’apartheid a interdit certains de ses concerts et le chanteur a été à plusieurs reprises arrêté, accusé de violer les lois sur la ségrégation raciale. Le gouvernement raciste blanc ne pouvait pas non plus tolérer qu’un des siens puise son inspiration dans l’Histoire et la culture zoulou.

A l’étranger pourtant, et notamment en France, Johnny Clegg a rapidement trouvé un public. « Les gens étaient très intrigués par notre musique », expliquait le chanteur et danseur, adepte de concerts très physiques. En 1982, la sortie de son album « Scatterlings of Africa » le propulse en tête des hit-parades en Grande-Bretagne et en France.

Cinq ans plus tard, il s’affirme comme un artiste « politique » avec le titre Asimbonanga (« Nous ne l’avons pas vu », en langue zoulou), tube planétaire dédié à Nelson Mandela, le héros de la lutte anti-apartheid alors emprisonné à Robben Island (Afrique du Sud). La seule évocation du chef du Congrès national africain (ANC) est alors strictement interdite. Le régime de Pretoria bannit le titre.

Quelques années après la fin de l’apartheid, l’auteur et le héros de cette chanson, désormais libre, s’étaient retrouvés sur scène à Francfort (Allemagne) pour un concert aussi magique qu’inattendu. Alors que Johnny Clegg chantait « Asimbonanga », le public s’était levé comme un seul homme.

« J’ai aperçu du coin de l’oeil quelqu’un derrière moi qui était en train de monter sur la scène, en dansant (…). C’était Mandela ! Ça a été un choc. Je ne savais même pas qu’il était là », avait raconté Johnny Clegg à l’hebdomadaire français Le Nouvel Observateur. A la fin de la chanson, Mandela avait lancé de sa voix posée, au micro : « C’est la musique et la danse qui me mettent en paix avec le monde. »

Né deux fois

Né en 1953 au Royaume-Uni d’un père britannique et d’une mère zimbabwéenne, chanteuse de jazz de cabaret, Johnny Clegg débarque à l’âge de 7 ans dans une Afrique du Sud où la minorité blanche règne en maître absolue sur la majorité noire. Initié aux cultures locales par son beau-père journaliste, Johnny Clegg assure que son refus de l’apartheid n’a rien de politique.

« Je n’étais pas motivé politiquement mais culturellement. J’aime la musique et la danse », expliquait-il simplement. Les yeux ouverts dans un pays borgne, il se glisse dès 15 ans dans les foyers de travailleurs noirs, au mépris des interdits. Là, il découvre les danses et les mélodies zoulou et s’invite secrètement pour danser avec les troupes traditionnelles.

Quand l’apartheid tombe définitivement en 1994, « c’est comme si nous étions tous nés une seconde fois », confiera-t-il. Quelques années plus tard, l’enthousiasme cédera la place aux doutes. « La lutte était plus simple autrefois. On vivait ici dans un tunnel, coupés du reste du monde, on se définissait “contre”, menant une bataille qui masquait toutes les autres. »

« Aujourd’hui (…) on est aux prises avec tout une série d’enjeux et de conflits liés à la pauvreté, la construction d’une nation, le sida, la mondialisation. »

Après une nouvelle rémission d’un cancer du pancréas diagnostiqué en 2015, il se lance deux ans plus tard dans une tournée mondiale d’adieu dont il réussira à honorer toutes les dates, les dernières en 2018.

« J’ai eu une carrière gratifiante à bien des égards (…) en réussissant à rassembler des gens grâce à des chansons, surtout à un moment où cela semblait complètement impossible », se félicitait le musicien qui a vendu plus de 5 millions d’albums.

Avec AFP



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