Dans cette première tribune je vais partager avec vous deux (2) observations relatives au premier régime eu égard au contexte de réconciliation nationale en cours.
💥 1- LA PREMIÈRE OBSERVATION:
IL FAUT RESTAURER LA VÉRITÉ HISTORIQUE: les guinéens dans leur écrasante majorité ne connaissent pas l’histoire de leur pays. La majorité ne vit que des récits et des “on-dit”. La sagesse recommande d’aller à la source de l’information et s’assurer d’avoir toutes les données avant de porter un jugement.
L’histoire de la Guinée est racontée par 2 types de personnes:
1- Les pro-AST
2- Les anti-AST
Si tu n’as lu ou entendu que les anti-AST, tu auras la ferme conviction que le feu Président AST était le diable en personne. Tu seras convaincu qu’il est la source de tout le malheur de la Guinée.
Si tu n’as lu ou entendu que les pro-AST, tu auras la ferme conviction que le feu Président AST était un ange ou un prophète de Dieu sur terre.
Au départ je ne savais du premier régime que ce qui était raconté par les parents et amis qui qualifiaient AST de “N’Dourou Boussê” le sanguinaire. Par conséquent j’ai méprisé l’homme comme pas possible. Comment ne pas haïr celui qui aurait tué des membres de ma famille et de ma communauté? Comment ne pas détester celui qui aurait voulu exterminer mon ethnie?
Par la suite et dans le cadre de mes études aux États Unis j’ai eu le privilège de faire une formation approfondie dans la science de l’INVESTIGATION CRIMINELLE.
J’ai appris à faire la différence entre les FAITS et les OPINIONS. J’ai appris comment analyser une situation où une information pour séparer le vrai du faux etc.
Ainsi j’ai appliqué les techniques et méthodologies apprises á l’histoire de notre pays. J’ai approfondi les recherches sur une période de 10 ans:
- j’ai lu les récits des adversaires du feu Président AST,
- j’ai lu les récits de ses admirateurs,
- j’ai consulté les archives,
- j’ai interrogé les historiens.
C’est seulement après cette abondante moisson d’informations que j’ai pu me faire une idée de ce qui s’est objectivement passé au-delà de la passion et de l’émotion.
💥 2- LA DEUXIÈME OBSERVATION: LA GUINÉE ÉTAIT UN PAYS EN GUERRE. Un contexte historique exceptionnel à ne pas ignorer.
Notre pays a eu une histoire singulière. Tout a été pensé et mis en œuvre pour nous faire regretter le choix historique, digne et distingué de 1958. Tout a été fait pour diviser les guinéens. Tout a été fait pour faire de nous le mauvais exemple à ne pas suivre.
Ceux qui ont intérêt à nous diviser pour nous subjuguer et compromettre l’indépendance acquise ont fait croire que Sekou Touré était contre les peulhs. Et ils ont fait croire aux malinkés que les peulhs étaient contre Sékou Touré parce qu’il était malinké etc.
Les peulhs ne sont pas contre les malinkés.
Sekou Touré n’était pas contre les peulhs.
Sekou Touré et ses compagnons étaient des révolutionnaires dans l’âme. Ils ont mené ce qu’on appelle une “lutte des classes”. Ils ont œuvré pour exclure de l’évolution historique de la Guinée la formation d’une bourgeoisie nationale en vue d’épargner au peuple de Guinée de subir la phase capitaliste. Sekou Touré et ses camarades révolutionnaires ont estimé qu’à partir du moment où c’est le capitalisme qui a conduit à l’impérialisme et au colonialisme, il fallait choisir une voix non capitaliste pour éviter de reproduire au sein de la société guinéenne les inégalités, les injustices et l’exploitation déjà subies pendant la colonisation.
Ainsi donc ils ont croisé le fer avec tous ceux qui étaient perçus comme des agents du néocolonialisme.
Dans un contexte de turbulences et d’adversités les plus tenaces, des guinéens de toutes les communautés ont été touchés. Aucune ethnie n’était particulièrement visée.
La chose la plus essentielle à retenir est que LA GUINÉE ÉTAIT UN PAYS EN GUERRE. Oui nous étions en guerre contre l’impérialisme sous toutes ses formes. Tous les mouvements de libération en Afrique et ailleurs avaient leur base arrière en Guinée. La Guinée a été la cheville ouvrière des indépendances en Afrique. Et l’impérialisme occidental n’a ménagé aucun effort pour liquider le régime guinéen.
Autant on ne peut nier les complots dont le point culminant fut l’agression du 22 novembre 1970, autant il faut reconnaître que ces complots ont servi parfois de prétexte pour régler des comptes personnels. Il y a eu des victimes coupables et des victimes innocentes. Ce sont deux évidences indéniables à prendre en compte pour comprendre notre histoire.
Il faudra déclassifier les archives et mettre en place une commission technique composée d’historiens, de juristes, de sociologues et de journalistes -tous réputés pour leur intégrité- qui feront un travail rigoureux permettant de faire la part des choses. De cette façon la vérité historique sera rétablie et une mémoire collective pourra y naître.
Je compatis à la douleur de tous ceux qui ont perdu des parents durant cette période exceptionnelle. Autant il n’y a pas de pouvoir innocent, autant un régime ne peut se résumer à un seul pan de son bilan. On ne peut pas résumer le premier régime aux tristes souvenirs du camp Boiro.
Aucun pays n’a autant sacrifié pour libérer l’Afrique du joug colonial. Aucun pays n’a autant contribué pour l’unité du continent. C’est en reconnaissance à tout cela que la Guinée a eu l’honneur de diriger l’OUA à sa création. Et cela nous devons en être fiers.
💥 CONCLUSION:
Le premier et plus grand responsable du malheur guinéen a été l’impérialisme occidental. Il faut avoir le courage de le dire. C’est lui qui nous a non seulement colonisé, mais aussi tourné les uns contre les autres.
Comprendre cela nous permettra de concevoir que quelque part tous les guinéens ont été victimes du même système néocolonialiste. Ceux qui sont considérés avoir trahi la nation ont été des victimes tout comme ceux considérés être des bourreaux. C’est ainsi qu’on pourra transcender.
Ensemble capitalisons sur ce qui a été glorieux, pansons les plaies de ce qui a été douloureux et faisons en sorte que notre temps soit radieux et notre héritage élogieux.
Ensemble Nous Pouvons!
Alpha Kolla Baldé
