LE SLOGAN « GOUVERNER AUTREMENT » SERAIT-IL VIDE DE SENS ? Jean Paul KOTEMBEDOUNO répond

996

 Dans un Discours du 30 janvier 2021, le Président de la République de Guinée, élu pour un troisième mandat s’est proposé de préciser la signification qu’il donne au slogan « GOUVERNER AUTREMENT ».

NB. Compte tenu de la longueur du discours, procédons par paragraphes séparables.

I. ASPECTS STRICTEMENT CONCEPTUELS DU SLOGAN « GOUVERNER AUTREMENT »

Dans son discours le Président de la République a estimé qu’il entend par GOUVERNER AUTREMENT,  « mobiliser et fédérer toutes les énergies, les compétences et talents du pays dans un pacte républicain et patriotique sans exclusive ni exclusion pour le développement économique et social harmonieux du pays ».

Gouverner autrement suppose ainsi  une mutation significative dans le choix des dirigeants devant concourir à l’exécution de son programme durant ce troisième mandat. La qualification représente de ce fait, en vertu de ce slogan, le critère du choix des dirigeants. Cette affirmation entretiendrait un rapport de cohérence avec le slogan si le discours de clarification conceptuelle avait précédé la formation du gouvernement ; gouvernement dont il est incontesté que sa formation a reposé sur le principe de la confirmation de l’essentiel des ministres jusque-là en fonction.

Dans le contexte de l’antériorité de la formation du gouvernement au discours de clarification conceptuelle, l’interprétation du concept « gouverner autrement » comme signifiant choix des « talents, compétences, sans exclusive », appelle deux remarques.  Soit le Président de la République estime avoir mobilisé (par l’entremise du PM) et choisi des compétences, des talents dans son gouvernement et dans ce cas, le slogan « gouverner autrement » serait vide de sens, puisqu’il a vocation à influencer un changement profond y compris dans le choix des dirigeants en remplacement de ceux ayant jusque-là gouverné. Cela va sans dire que le slogan suffit à implicitement avouer les failles de la gouvernance de ceux-ci, pour autant.

La configuration du gouvernement ne se comprendrait dans ces conditions qu’à supposer que le Président et le Premier ministre aient considéré que les guinéens choisis représentent les plus qualifiés dans leurs domaines respectifs. Mais même dans ces conditions, la dimension du changement de critère de choix que renferme le slogan aurait été vidée de son sens puisqu’elle n’aurait nullement influencé un changement de cap ; elle maintiendrait le statuquo ante.

Soit, le Président de la République a conscience de ce qu’il n’aura pas nommé, sur proposition du Premier ministre, des talents, des compétences avérées que suggère le slogan ; et dans ce cas, il aurait déjà été éminemment inconséquent, dans le commencement d’exécution de son propre mandat, en raison de l’incohérence entre l’interprétation théorique qu’il fait de son slogan et les conséquences pratiques qu’il l’assortit.

Dans le même sens, considérer que gouverner autrement signifie « fédérer, mobiliser des énergies », « sans exclusives ni exclusion » impose le constat d’une antinomie substantielle entre la signification conceptuelle que le Président donne au slogan et l’élan exclusif des nominations aux fonctions les plus importantes qu’il a déjà faites. L’importance de ces nominations, à l’aune du succès de sa gouvernance, vient de ce que, les ministres sont, ceux qui mettent en œuvre la politique du gouvernement (définie par le Président) dans leur département respectif. 

On ne peut ainsi considérer que gouverner autrement renvoie à une conception inclusive de la gouvernance en termes de choix des dirigeants – ce qui suppose l’ouverture aux guinéens qui ne seraient pas membres du parti au pouvoir – et dans le même temps, ne choisir que sur la base d’une conception exclusive reposant sur la récompense du militantisme politique, sauf à considérer que là où les fonctions ministérielles ont été pourvues exclusivement aux militants d’autres fonctions infra-ministérielles seraient attribuées inclusivement au point de  »compenser » l’exclusivité du critère de la nomination aux premières.

Jean Paul KOTEMBEDOUNO



Guinée Nondi, tout ce qui est information de qualité est notre