L’aide publique au développement est-elle bien gérée dans notre pays ? La réponse pertinente de l’expert Algassimou Diallo

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Depuis plusieurs années, notre pays bénéficie des aides extérieures appelées : APD (Aide Publique au développement). Pour comprendre l’utilisation de ces fonds, notre rédaction a posé la question à l’expert en développement Algssimou Diallo en vue de savoir si cette aide est bien gérée par l’état guinéen.

Selon vous, est ce que l’aide publique au développement est bien gérée dans notre pays ?

Lisez la réponse pertinente de Monsieur Diallo

Pour répondre à cette question quelque peu spécifique, il importe dans un premier temps de dire à l’intention de vos lecteurs qui ne sont pas spécialistes du domaine: c’est quoi l’aide publique au développement (APD)?

L’APD est née après la seconde Guerre mondiale, dans un contexte marqué par la guerre froide, le début des indépendances et la nécessité de reconstruction de l’Europe et de l’Asie. À partir des années 1960, de multitudes de pays africains devenus indépendants sont admis dans le système des Nations Unies. L’autonomie et la volonté de s’auto-gérer font naître un grand espoir au niveau des populations africaines qui aspirent à un développement social et économique.

En effet, il faut dire que l’APD comprend des fonds publics, c’est-à-dire des fonds venants des États ou Collectivités accordés aux pays en développement pour promouvoir leur développement économique et social.  Cette aide dite publique est consentie soit sous la forme de prêt ou sous la forme de dons. S’agissant des prêts, ils sont accordés à des taux inférieurs à ceux du marché pour pouvoir être considérés dans une logique d’aide publique.

L’APD est consentie directement par un gouvernement, dans ce cas on parle d’aide bilatérale (APD bilatérale, soit par l’intermédiaire d’une institution internationale (Aide multilatérale). Même si les prêts et dons sont fondamentalement différents à la base, en pratique, il n’en est rien puisque non seulement les prêts sont généralement consentis à des  » conditions souvent favorables « , mais en plus, ces derniers bénéficient parfois de soulagement appelés effacement de la dette des pays pauvres.

A préciser que les pays en développement sont ceux qui figurent dans la liste des bénéficiaires de l’aide établie par la Direction de la coopération pour le développement et le comité d’aide au développement (DCD-CAD) de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Ce sont plus de 150 pays regroupant les pays en quatre catégories selon leur revenu par habitant : pays les moins avancés, pays à faibles revenus, pays à revenus intermédiaires tranche inférieure et pays à revenus intermédiaires tranche supérieure. Cette liste est revue chaque année par le Comité d’Aide au Développement.

Est-ce que l’aide publique au développement est bien gérée en Guinée ? A mon avis, non, cette aide n’est malheureusement pas bien gérée. La preuve en est que, la Guinée est toujours plus de 60 ans après son indépendance dans une précarité économique et sociale lamentable. Pas d’infrastructures, pas d’électricité, pas d’eau potable, le système éducatif et le système de santé sont encore à la traîne par rapport aux indicateurs mondialement définis dans ce sens pour apprécier la disponibilité, le fonctionnement et surtout la qualité des services.

Depuis l’indépendance, dans le but de déclencher sa croissance économique de qualité et cohérente, la République de Guinée sollicite et obtient de l’aide publique au développement auprès de ses partenaires bi et multilatéraux. A signaler, qu’entre 1958 et 1980, cette aide était plus sollicitée auprès des pays de l’ancien bloc de l’Est, de la Chine et de certains autres pays arabes. Depuis 1984, suite à la chute du régime Communiste, le Pays a connu de multitudes partenariats aussi bien auprès de Pays amis que d’Organisations internationales, régionales et sous-régionales.

Mais d’une manière générale, si le pays a obtenu de ses partenaires techniques et financiers une aide conséquente qui aurait dû produire des effets assez positifs sur ses indicateurs macro-économiques et sur le niveau de vie des populations, il faut affirmer que globalement le bilan est très décevant.

Les raisons qui justifient cet échec sont multiples, ici je citerai entre autres :

–           La faible capacité technique des ressources humaines ;

–           L’absence d’un cadre transparent de gestion des fonds alloués par les partenaires ;

–           Les faibles capacités techniques en termes de définition et de planification des politiques publiques de développement ;

–           Les détournements de deniers publics des projets et programmes d’infrastructures et d’accompagnement des initiatives phares de développement ;

Toutefois, on ne peut pas imputer toutes les causes de l’échec du développement de la Guinée aux gouvernants du Pays. Les Partenaires techniques et financiers ont aussi leur part de responsabilité. Généralement, les bailleurs fonctionnent dans le pays à l’image de ceux qui incarnent la puissance publique. Le laxisme dans l’attribution des fonds, la corruption dans la gestions et l’inadéquation des conseils et des stratégies d’accompagnement du pays par les Experts et Assistants Techniques financés par ces bailleurs n’ont pas permis de gérer les aides au profit des populations.

Un entretien réalisé par Sonny Camara



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