(EDITO ) : Le taux de participation détermine-t-il la légitimité d’une élection ? Sonny CAMARA

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Par décret, Alpha Condé a appelé les guinéens à se prononcer sur le projet de nouvelle constitution et renouveler l’assemblée nationale. Dans un contexte sanitaire particulier, beaucoup d’observations pensent que ce double scrutin doit être reporté pour non seulement préserver la paix mais aussi protéger le peuple face au COVD-19. En plus de ce contexte sanitaire inédit, une bonne partie de l’opposition a appelé à manifester pour empêcher la tenue de ce double scrutin, donc à boycotter, ce qui va causer un taux d’abstention très élevé.

Le faible taux de participation est-il déterminant pour légitimer une élection ?

Nous allons tenter de répondre à cette question très pertinente afin de lever toute ambiguïté sur l’importance de la forte participation à une élection.

Même si aucune disposition juridique n’indique un seuil à atteindre, mais l’article 2 de la constitution stipule que « La souveraineté nationale appartient au Peuple qui l’exerce par ses représentants élus et par voie de référendum. Aucune fraction du peuple, aucun individu ne peut s’en attribuer l’exercice ». ce qui met en évidence l’importance de la forte participation à une élection

Pour le président de la majorité présidentielle, la loi ne fixe aucun seuil pour légitimer une élection : « Nous voterons dans la paix…le taux de participation est peut être morale, mais il ne fait partie de nos lois pour dire  qu’il faut atteindre un tel taux de participation pour que ça soit validé, même s’il y a  2% de participation en Guinée aucune loi n’interdit à partir du moment que tout le monde est invité à voter » (GG). Autrement dit, Peu importe le taux de participation dès lors qu’aucune disposition légale ne fixe un seuil de participation pour qu’une élection soit valide. En se basant sur ce vide juridique pour légitimer un acte aussi important du contrat social comme une élection, Damaro  soulève une question très importante dans le système indirect. Et piétine en même temps l’expression du peuple dans le choix de ses représentants

Pourtant, l’élection est considérée comme étant un moyen légitime d’accéder au pouvoir. Elle permet ainsi à la personne élue d’être considérée « par tous comme un représentant légitime ». Dans ce cas, elle devient à la fois une valeur démocratique sûre, mais aussi une « pourvoyeuse de légitimité ». C’est pourquoi, elle est plébiscitée par toutes les démocraties de nos jours. Donc la forte participation est toujours déterminante pour une compétition électorale

Selon Kamto, dans un système démocratique, il est primordial que la participation électorale soit forte, dans la mesure où la forte participation des électeurs détermine la performance du système et permet à la démocratie de s’enraciner. Dans le cas contraire, l’on bascule dans une certaine « illégitimité» des élus au regard du peuple. Autrement dit, la légitimité politique ne s’obtient que grâce à une forte participation. En ce référant à cette thèse de Kamto, l’on peut dire que ce double scrutin risque de poser la question de légitimité au regard de la forte abstention qui se dessine.

Par ailleurs, selon plusieurs observateurs et certaines enquêtes d’opinion (AGSP) plus de la majorité des guinéens est contre la tenue de ce double scrutin et compte  boycotter ou s’abstenir. Dès lors que des citoyens guinéens se délestent de leur devoir civique qui est le vote, l’on pourrait s’interroger sur les causes profondes d’un tel comportement électoral. Dans ce cas, L’abstention  ne serait pas une expression comme les autres, mais une « réponse négative à une offre politique à un moment donné dans une conjoncture particulière. Pour Anne Muxel  l’abstention est dans cette circonstance considérée « comme un baromètre, un indicateur du climat de l’opinion, du lien entre les citoyens et leurs représentants politiques, et plus largement de l’état de santé du système démocratique ». Autrement dit, une forte abstention est un mauvais indicateur pour une démocratie et ne permet pas à l’élu  d’avoir la légitimité politique nécessaire pour gouverner.

En somme, Ces affirmations  mettent non seulement  en relief l’importance de l’élection dans un système démocratique indirect, mais aussi à la forte participation des citoyens au choix de leurs représentants. La souveraineté appartient au peuple, et celle-ci ne s’obtient que grâce à une force expression populaire dans les urnes. Donc la légitimité d’un élu, dépend de la forte participation des citoyens à son élection

Damaro doit savoir dans ce cas de figure, que l’abstention devient un comportement électoral exprimant soit une sorte de rejet à l’égard d’un parti, d’un leader ou d’un régime. Soit un scepticisme plus profond devant la valeur ou la légitimité d’une compétition électorale particulière. Autrement dit, le rejet du peuple vis-à-vis du contrat social proposé  par ses dirigeants.



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