La lutte pour le respect de la constitution, un combat citoyen: Alimou Bah

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La Guinée est à la croisée des chemins, les années 2019 et 2020 vont être des années charnières dans la construction de la jeune démocratie guinéenne et l’édification d’un État respectueux des lois de la République.

Depuis quelques mois, des citoyens se sont constitués en groupement (FNDC, Amoulanfé, Brassards rouges, etc.), pour mener la lutte pour le respect de la constitution de 2010 et marquer leur opposition à un 3ème mandat du président Alpha Condé. Cette lutte citoyenne est plus légale que politique, puisque l’enjeu principal est le respect de la constitution et non le bilan de tel ou tel régime (ce travail de bilan est à l’apanage des partis politiques). Le camp des promoteurs du 3ème mandat, puisque c’est de cela qu’il s’agit, a tout intérêt de déplacer le débat sur le terrain politique pour appliquer « l’ethno stratégie » dont certains se sont rendus experts. Ne pas tomber dans ce piège doit être le cœur de la stratégie des opposants au 3ème mandat.

Cette lutte doit transcender les divisions partisanes, puisqu’il s’agit du respect de la constitution et non pour ou contre tel ou tel autre leader politique, mais aussi pour éviter de créer un antécédent. Si ce projet de 3ème mandat aboutit, que dirons-nous au président qui remplacera Alpha Condé, si lui aussi a des velléités de la présidence à vie? Ne perdons pas de vue que ce combat est citoyen et tout patriote épris de paix et de justice doit se lever pour dire non à la « tentation des sirènes révisionnistes », comme nous le disait M. Kelefa Sall (ancien président de la cour constitutionnelle).

L’État étant une continuité, quel argument probant les promoteurs d’un 3ème mandat peuvent nous faire valoir? À mon avis aucun, si ce n’est que la volonté inavouée de la sauvegarde d’intérêts égoïstes au détriment du développement socio-économique du pays. Le président Alpha Condé devrait éviter de tomber dans le piège du syndrome du « messie », car nul ne peut se targuer d’être irremplaçable. Lors de sa visite au Ghana en 2009 Barak Obama déclarait « Qu’on ne s’y trompe pas: l’histoire est du côté de ces braves Africains et non pas avec ceux qui ont recours à des coups d’État ou de modifier les Constitutions pour rester au pouvoir. L’Afrique n’a pas besoin d’hommes forts, il a besoin d’institutions fortes ». Des présidents qui se croyaient indétrônables se sont vus du jour au lendemain évincer du pouvoir, et dès fois de façon tragique. Nous avons des exemples tels que Blaise Compaoré, Mouammar Kadhafi, Yahya Djameh, Robert Mugabe et j’en passe.

À ceux qui disent que c’est l’entourage du président qui le prend en otage pour un 3ème mandat, nous répondons qu’aucune pression ne peut faire changer les convictions profondes et la vision des grands hommes, et qu’aucune influence ne peut obliger le président Alpha Condé à vouloir briguer un 3ème mandant si ce n’est sa volonté. Nous avons vu les positions fermes et sans ambiguïtés des présidents du Niger et de la Mauritanie de ne pas modifier leurs constitutions pour se maintenir au pouvoir.

N’attendons pas qu’un drame comme celui du 28 septembre 2009 survienne pour nous lever. Puisque l’histoire de notre pays nous démontre que les violences collectives sont légion sous nos cieux et que certains sont prêts à tout pour garder leurs intérêts égoïstes. Le monde entier nous observe, ne dit-on pas que chaque peuple a les dirigeants qu’il mérite, donc exigeons d’avoir des dirigeants moralement exemplaires, respectueux de nos textes de lois et de notre constitution. L’alternance du pouvoir n’est pas une condition suffisante pour la démocratisation d’un pays, mais elle constitue un bon début.

Alimou Bah; citoyen engagé depuis Montréal  (Canada)



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