Les artistes chantent, on achète pas leurs musiques. Ils ne peuvent pas vivre de leurs passions. Ils ne peuvent pas s’acheter une voiture alors qu’ils font danser et amuser les milliers de gens. Quelqu’un par pitié doit leur donner une voiture et payer leurs loyers. Quand ils meurent, les larmes hypocrites sont versées par les gens qui, souvent, n’ont jamais pensé le bien d’eux. Ils les prenaient pour des ratés et fainéants.
Quand les écrivains écrivent, on achète pas leurs œuvres. On ne les lit pas. On ne leur paie pas leurs droits d’auteur même pas pour un centime. Quelqu’un doit avoir pitié d’eux pour leur donner des vestes, des cravates et aussi quelques billets de banque. Ils doivent dire : » Je suis écrivain, j’ai écrit ceci ou cela « . Il n’existe pas de distinctions et de critiques littéraires, pas de critiques artistiques, dans notre pays – il faudra questionner la raison d’être de nos facultés de lettres et d’art -, chaque artiste doit parler de lui-même et avoir une fière opinion de ce qu’il fait. Qu’il ne fasse bien ou non, cela ne compte pas. Nul ne saura juger son art. Alors, on lui dit : » Donne-moi un exemplaire de ton dernier livre. » Peut-il le donner à tous ? Doit-il le faire ? Indigne est le mot. On télécharge ses productions et le fait écouter dans les stations de radios sans lui verser le moindre sou. Tout le monde écoute sa musique à la production de laquelle on ne participe jamais. Peut-être faudrait-il qu’ils entrevoient des crowdfunding (financements participatifs) pour produire leurs musiques et vidéos.
Celui qui crée, réfléchit est tenu dans l’abaissement dans ce pays. Pour vivre, il doit louer. Alors, certains artistes ne chantent plus, ils louent les possédants. Ils doivent le faire pour fuir le triste destin qui est le leur. C’est aussi triste que cela ne change pas leurs conditions. Au lieu de créer, de s’élever par l’art, ils chantent pour se faire plaire et avoir de quoi se nourrir pour quelques mois. Voilà qu’ils ne peuvent plus réaliser leur plein potentiel, qui se fane. C’est leur première mort : celle artistique. La finitude de leurs arts.
J’appelle aux états généraux de la culture dans ce pays. Cela aura pour effet de poser le vrai diagnostic, de mettre le doigt sur les forces, les faiblesses, les menaces et opportunités du secteur. Aussi de pousser la réflexion sur comment doter notre pays des industries culturelles créatrices de valeur.
Les artistes ne doivent plus mendier pour vivre ou se faire soigner. D’être célébrés après leurs trépas. Les plus grands d’entre eux méritent d’être béatifiés. Les petites réformes prises ici et là ne suffisent pas. Libérons la parole. La culture est un levier de la croissance économique. Les artistes peuvent vivre de leurs arts, la Guinée peut faire de la culture un puissant vecteur de son rayonnement international et d’attraction des touristes. Je crois profondément à cette idée d’autant plus que notre pays l’a réussi par le passé. Ceux qui créent, sans me faire passer pour leur avocat, sont las des aumônes. Ils doivent vivre de leurs arts et passions. L’Etat de Guinée ne peut pas créer le bonheur pour tous , mais il doit permettre à chacun d’augmenter ses palettes de choix en lui permettant de vivre de ce qu’il sait faire le mieux.
Ibrahima Sanoh Activiste