« La mise en place de la CRIEF obéit-elle à un agenda judiciaire ou politique ? » s’interroge maître Mohamed Traoré

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Pendant les trente-cinq dernières années, les Guinéens d’une manière générale ont souvent été scandalisés par les nombreux cas de détournement de deniers publics, de corruption, d’enrichissement illicite et autres infractions économiques et financières. Ils ont appelé de tous leurs vœux l’avènement d’un régime qui mettrait fin à ces pratiques qui freinent le développement économique du pays.
En effet, pour lutter contre la délinquance économique et financière, il faut une véritable volonté politique. Tout le monde en est conscient.
C’est pourquoi, la mise en place de la CRIEF a été saluée par de nombreux citoyens et des acteurs de la société civile notamment. Certains observateurs pensaient même que la volonté politique à elle seule suffisait et qu’il n’était pas nécessaire de créer une juridiction spéciale. En effet, les juridictions de droit commun pouvaient valablement connaître de ces infractions au regard de l’arsenal juridique existant.
Quoi qu’il en soit, la création de la CRIEF a suscité beaucoup d’espoirs. Mais au regard du traitement de certains dossiers pendants devant cette juridiction, ces espoirs risquent de s’envoler s’ils ne se sont pas envolés déjà. On a l’impression quelquefois que les procédures ont êté engagées dans la précipitation et avec légèreté. C’est comme si tout était basé sur la délation. Et sans aucune enquête sérieuse, des dossiers ont été « montés », d’anciens hauts commis de l’État mis aux arrêts et privés de liberté pour des faits présumés de corruption, de détournement de deniers publics, de blanchiment de capitaux, de faux et usage de faux etc.
Mais il est aisé de constater aujourd’hui que la CRIEF ou plus exactement le parquet de cette juridiction peine à apporter des preuves par rapport aux faits mis à la charge des prévenus. C’est pourquoi, il est difficile de ne pas se demander si la mise de la CRIEF s’inscrit vraiment dans le très nécessaire et sérieux combat contre la délinquance économique et financière.
En d’autres termes, la mise en place de la CRIEF obéit-elle à un agenda judiciaire ou politique ? La question mérite d’être posée.
En attendant de trouver une réponse à cette question et au regard des débats devant la CRIEF, dans certains dossiers notamment, il est possible que beaucoup de prévenus s’en sortent et se voient totalement « blanchis » à cause de l’incapacité du ministère public à démontrer leur culpabilité. Il suffirait tout simplement que les juges soient vraiment des juges c’est-à-dire des arbitres qui décident en âme et conscience, en fonction des éléments qui ont été discutés devant eux.
Maître Mohamed Traoré avocat



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