La suspension d’un agent public est-il en contradiction avec le décret de nomination? la réponse d’un spécialiste

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L’acte de suspension d’un agent public, dans le sillage de la conduite du changement au sein d’un service public est-il en contradiction avec le décret de nomination de cet agent ?
Quand un arrêté de suspension d’un agent public est pris, beaucoup y voit une erreur de droit, arguant que l’arrêté vient en contradiction avec le décret qui a nommé l’agent en question. Ils invoquent même le principe du parallélisme des formes et des procédures (CE, 1992, Meyet).
Il n’en est rien.
Un acte de suspension, en droit administratif et particulièrement dans la loi du 7 juin 2019 portant statut général des agents de l’Etat, ne constitue pas une mesure disciplinaire. La suspension n’est qu’une étape de la procédure disciplinaire à l’encontre de l’agent, le temps pour l’administration de prendre soit une sanction soit rétablir l’agent dans ses fonctions.
En effet, si un ministre peut suspendre un agent, c’est en sa qualité d’autorité fonctionnelle. En cette qualité, il organise le fonctionnement de son service (CE, 1936, Jamart) et exerce le rôle de manager de proximité. Il est donc le plus habilité à apprécier si l’agent a œuvré dans le sens des règles régissant les agents publics. C’est donc à ce titre qu’il est seul habilité à établir un rapport sur l’incident à l’origine de la suspension. Ce rapport est destiné à l’autorité de nomination qui décide de sanctionner ou pas.
Le jour où la suspension d’un agent public sera présentée à titre définitif comme constituant la sanction elle-même, alors à ce moment-là et seulement à ce moment-là qu’on pourra parler de contradiction entre l’arreté de suspension et le décret de nomination (ou d’atteinte au principe du parallélisme des formes et des procédures).
Cela étant dit, un autre élément à prendre en compte, ce sont toutes les précautions relevant de la conduite du changement.
Un cadre à la tête d’une administration publique est réputé doué d’une volonté salutaire de changement. Mais il y a des moments où ce changement ne doit procéder d’une prescription, il doit être inclusif et participatif.
Les agents publics ont des contrats de droit public, beaucoup plus sécurisants pour les agents car instaurant une situation de légalité là où dans le privé, c’est la relation contractuelle et le principe de l’autonomie de la volonté qui prévalent.
Il faut donc procéder étape par étape. Recueillir les avis des agents et consulter notamment sur le dispositif envisagé car après tout, ce sont eux qui évolueront dans le nouvel environnement de travail.
Plus encore, lorsque de grands changements sont envisagés il vaut mieux les accompagner d’un plan de formation. Les agents en poste doivent être préparés à l’utilisation des nouveaux matériels. Ceux qui ne peuvent pas ou qui ne se sentent pas à l’aise peuvent bénéficier de mesures de reclassement.
Le temps de l’action, dans un monde évolutif et de plus en plus concurrentiel est de plus en plus court de nos jours. Si on ajoute à cela la contrainte et la pression politique, on aboutit parfois à des processus trop rapides pour susciter l’adhésion.
Les dirigeants doivent intégrer ces facteurs. Cela évitera des sanctions à ceux considérés comme réfractaires au changement. Ne pas hésiter non plus à intégrer des outils de gestion prévisionnelle des compétences dans leurs services. La GPEC permet d’anticiper sur les besoins futurs en terme de gestion du personnel (effectifs, formation, retraites, ancienneté). Elle permet également une meilleure approche du glissement vieillesse technicité (GVT), qui renvoi au rapport entre ancienneté et compétence.
Par Mohamed Camara Juriste



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