En lieu et place de la presse, l’armée constitue-t-elle le véritable quatrième pouvoir en Afrique ? ( Par Khalil Kaba)

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La majorité des États fonctionne sur la base de la théorie de la séparation des pouvoirs. Cette théorie consiste à diviser en trois grands pouvoirs les tâches incombant à l’autorité étatique, l’exercice de ces tâches étant confié à différentes institutions dans un souci d’indépendance, de crédibilité et d’efficacité. Il s’agit du pouvoir exécutif incarné par le chef de l’État et son gouvernement, du pouvoir législatif dévolu à la représentation nationale et enfin du pouvoir judiciaire exercé par les organes judiciaires. Cette summa divisio de la puissance étatique a été théorisée par Montesquieu et John Locke au XVIIIe siècle. Cependant, l’exercice de ces pouvoirs est fortement influencé par un quatrième dont l’étendue échappe presque complètement au contrôle des trois premiers et de la société en général.
En Occident l’expression « quatrième pouvoir » est souvent utilisée pour désigner la presse et les médias, véritable contre-pouvoir face aux institutions incarnant l’État.
En Afrique, l’équivalent d’une corporation telle que la presse, qui réussit avec efficacité à faire trembler les politiques et provoquer des changements, n’est point le corps de la presse mais plutôt les forces armées.
Depuis les indépendances acquises dans les années 1960, les forces armées font et défont les régimes et contribuent indéniablement au fonctionnement institutionnel et politique de beaucoup de pays du continent.
Les forces armées constituent de ce fait un acteur incontournable sur la scène politique africaine, se constituant ainsi en une autre forme de pouvoir, souvent lié à l’exécutif. Il suffit pour se convaincre de ce constat de recenser le nombre de chefs d’État (anciens ou actuels) issus des rangs des corps habillés. 40% des régimes politiques africains entre 1960 et 1990 avaient des origines militaires. En 2014, plus de cinquante années après les indépendances, encore un État sur trois est dirigé par un régime d’origine militaire. Depuis 1990, on dénombre sur le continent environ 30 conflits armés liés à la prise de pouvoir. 87% de ces conflits ont effectivement débouché sur un changement au sommet des pays concernés. Les alternances démocratiques issues de véritables élections sont quant à elles des denrées encore rares, hors de portée de nombreux pays africains.
L’importance relative des forces armées dans la vie politique suscite d’importantes interrogations sur les facteurs qui ont favorisé cet essor et les éventuelles réformes pouvant être mis en œuvre pour réduire leur emprise sur la vie socio-économique et politique des pays africains.
Des expériences ont montré que les coups d’État ne sont point bénéfiques pour un pays. On peut donc conclure que le développement incertain de plusieurs pays africains est lié dans une grande partie à ces instabilités politiques portées par l’intervention des hommes en uniforme.
Khalil KABA



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