Le viol : Un phénomène en pleine croissance

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Moussa KOUROUMA, Enseignant-chercheur à l’Université Général Lansana Conté de Sonfonia

Le viol est un phénomène en pleine croissance de nos jours. Surtout les cas d’abus sexuels sur des mineures. Il est défini, perçu et condamné différemment selon les pays. Ainsi, « . En Belgique, le viol constitue un crime. Il est défini à l’article 375 du code pénal comme  » tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit et par quelque moyen que ce soit, commis sur une personne qui n’y consent pas « . En France, le viol est défini comme « tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, commis sur la personne d’autrui par violence, contrainte, menace ou surprise ». En Espagne, le viol est défini comme toute relation charnelle avec une autre personne,  » par voie vaginale, anale ou orale « , dans l’un quelconque des cas suivants : (1) -lorsqu’il est fait usage de la force ou intimidation ; (2) -lorsque la victime est privée de ses esprits ou est un handicapé mental ; (3) -lorsqu’il s’agit d’un mineur de moins de 12 ans. En Autriche, le viol est défini à l’article 201 du code pénal comme le fait de contraindre, par la violence ou par la menace, une personne, quels que soient son âge et son sexe, à accomplir ou à subir  » l’acte sexuel ou un acte sexuel analogue. Au Danemark, L’article 216 du code pénal définit le viol comme le rapport sexuel auquel on est contraint par la force ou par la menace de l’emploi de la force. L’Allemagne et la Suisse considèrent que le viol ne peut être pratiqué que sur une femme. Cependant, le code pénal allemand condamne tous les  » actes sexuels  » commis sur des enfants en considérant comme particulièrement grave le fait d’avoir un rapport sexuel avec un enfant de moins de 14 ans. Quant au code pénal suisse, il condamne tout  » acte d’ordre sexuel  » commis sur un mineur de moins de 16 ans. En Angleterre et au Pays de Galles, le viol ne peut être réalisé que par une personne de sexe masculin. En revanche, les autres agressions sexuelles peuvent être aussi bien le fait d’une femme que d’un homme. Or, dans l’hypothèse d’une telle agression, lorsque la victime est âgée de moins de 16 ans, son consentement ne peut être invoqué comme moyen de défense. Si le jeune âge constitue des éléments constitutifs de viol, il faut souligner que le nombre d’âge retenu de victimes varie d’un pays à un autre. Par exemple en Allemagne, en Angleterre et au Pays de Galles, en Autriche, en Belgique, au Danemark, en Espagne, en Suisse et aux Etats-Unis, tout acte de pénétration commis sur un mineur constitue une infraction si le mineur n’a pas atteint un certain âge en-dessous duquel il y a présomption d’absence de consentement. La limite est fixée à 12 ans en Espagne et aux Etats-Unis, à 14 ans en Allemagne, en Autriche et en Belgique, à 15 ans au Danemark et à 16 ans en Angleterre et au Pays de Galles et en Suisse. Un autre élément constitutif important est aussi l’absence de consentement de la victime.  C’est le fait, pour un homme, d’avoir un rapport sexuel (vaginal ou anal) avec une femme ou avec un autre homme, alors qu’il sait que celle-ci ou celui-ci est non consentant. Ces dispositions, bien que faisant seulement référence aux hommes et aux femmes, s’appliquent également aux enfants, mais le viol est toujours le fait d’une personne de sexe masculin.  Il y a donc viol dès lors qu’il y a rapport sexuel, c’est-à-dire pénétration, et que l’absence de consentement de la victime est prouvé. Cette absence de consentement est évidente lorsque ce dernier a été obtenu par la contrainte (violence ou menace), que la victime était droguée ou endormie. Lorsque la victime est âgée de moins de 16 ans, la défense doit prouver que celle-ci a opposé une résistance physique ou que sa faculté de compréhension et ses connaissances étaient telles qu’elle n’était pas en mesure de décider si elle devait consentir ou résister.

Selon une étude réalisée par l’UNICEF-France, une femme sur cinq et un homme sur quatorze déclarent avoir déjà subi des violences sexuelles. Dans 81% des cas, les victimes sont des mineurs. Dans 94% des situations, les agresseurs sont des proches. Cette étude nationale a été réalisée de mars à septembre 2014 sur 1214 victimes de violences sexuelles âgées de 15 à 72 ans, dont 95% de femmes. Ces agressions sur mineur sont très souvent liées à l’inceste. Dans 70% des cas, lorsque la victime a moins de 6 ans, l’agression est incestueuse. Au Mexique, le quartier de la Merced au centre de la capitale se maintient comme le premier lieu d’Amérique latine pour la prostitution de mineurs ; 80 % sont des jeunes filles, dont 50 % ont moins de dix-huit ans et proviennent d’Amérique centrale. Des enfants drogués quotidiennement jusqu’à ce que leur dépendance soit suffisante pour qu’ils obéissent sans se révolter ou chercher à s’enfuir. Selon la journaliste Lydia Cacho, qui se bat depuis des décennies contre la pédophilie et le trafic de personnes, ce « business » est hautement lucratif puisque « chaque victime coûte au trafiquant une moyenne de 1 200 euros mais lui en rapporte 20 000 par an. » Au Pakistan, le jour de Pâques une fillette de 7 ans, a été violée dans un village du district de Sialkot, au Pendjab. La fillette qui, après la violence subie, a souffert d’une hémorragie, n’a été conduite à l’hôpital que trois jours plus tard. Les familles de violeur ont fait pression sur la famille violée pour qu’elle ne porte pas plainte contre le violeur. Malgré les craintes et les obstacles, la plainte a été déposée le 22 avril contre le violeur et deux autres personnes. La police a ordonné un examen médical qui a confirmé.

Les deux tiers ou les trois quarts des viols, suivant les enquêtes, se déroulent dans des cercles d’interconnaissance affective ou relationnelle. Ce que nous proposons d’appeler les viols familiaux élargis (viols commis par des pères, des beaux-pères, d’autres ascendants, des collatéraux, des conjoints ou des « amis de la famille ») viennent largement en tête, suivis par des viols commis par des copains ou des amis des victimes, par des voisins ou bien encore, à une échelle de plus basse intensité relationnelle, par des relations ou des connaissances, du voisinage ou professionnelles. A contrario, l’auteur est inconnu de la victime dans un nombre réduit d’affaires, avec toutefois une assez grande variation suivant les territoires – les viols par inconnus étant en proportion plus importants dans les grandes villes ou dans les zones urbaines. Egalement très faible est la proportion de viols collectifs, phénomène fort ancien et qui demeurent relativement rare en dépit de sa récente médiatisation en France. A titre indicatif, les viols collectifs représentent environ 7 % des crimes de viols  condamnés en France en 2009, et ce pourcentage est sur ce point confirmé par les enquêtes de victimisation. Les viols varient également en fréquence et en durée et les recherches montrent que plus les auteurs et les victimes évoluent dans des cercles de proximité étroite, plus les agressions sont longues et multipliées. Ainsi, dans la recherche récente sur dossiers judiciaires, quasiment tous les viols commis par des agresseurs peu connus ou inconnus des victimes sont des viols uniques. À l’inverse, les viols familiaux commis par des ascendants ou par des collatéraux sont dans leur grande majorité des viols répétés sur des moyennes (1 à 5 ans) ou des longues durées (5 ans et plus). De ce point de vue – et contrairement aux représentations communes notamment issues d’affaires de violeurs-tueurs largement médiatisées – les violeurs en série sont très rarement des personnes inconnues de leurs victimes. C’est bien plutôt dans le cercle familial qu’elles sévissent, où presque deux tiers des auteurs (dans les dossiers judiciaires étudiés) ont commis plusieurs agressions sexuelles et/ou plusieurs viols sur une ou plusieurs personnes de leur entourage pendant plusieurs années. C’est pourquoi, nous avons proposé le concept d’« abuseur-violeur en série de proximité ». Les lieux, les moments et les circonstances sont également divers et variés. Les viols familiaux se déroulent quasi exclusivement au domicile des auteurs, qui est aussi très souvent celui des victimes, à différents moments de la journée, souvent initiés par des circonstances favorables au rapprochement des corps (toilette, bain, sieste, coucher, jeu, câlin…) lorsque l’auteur et la victime se retrouvent seuls, mais parfois avec la complicité passive, la résignation ou la soumission des autres membres de la famille. Le domicile commun est également le lieu où se commettent les viols conjugaux, très souvent assortis de coups et de brutalités physiques, dans la mesure où les femmes violées par leur conjoint sont aussi des femmes battues. En-dehors du cercle familial ou de voisinage, les lieux sont plus diversifiés – chambre d’hôtel, maison de vacances, ascenseur, voiture, bord de chemin… –, et les viols sont plus souvent commis le soir ou la nuit, en particulier lorsque l’auteur et la victime ne se connaissent pas du tout au moment des faits.

Les causes de viol sur les mineures sont multiples et diverses. Elles sont aussi différentes d’un pays à un autre. Par exemple, aux Etats Unis la cybercriminalité est particulièrement problématique. L’organisation « Love our Children USA » relève qu’un enfant sur quatre a déjà été harcelé en ligne. Beaucoup d’enfants sont également confrontés à la pornographie via le web, et les organisations américaines de droits de l’enfant n’ont de cesse de réclamer des mesures de protection plus efficaces. Face à l’impunité des auteurs de viols sur mineures, les autorités et Organisations non Gouvernementales indexent les parents des victimes. La cause, ces derniers n’ont pas l’habitude d’intenter des actions en justice. Et se murant dans le silence, ils préfèrent tout simplement protéger les coupables, pour des raisons diverses.

La recrudescence des cas de viol et abus sexuels, sur les mineures, inquiète plus d’un. En effet, elle prend des proportions alarmantes au Sénégal : « Deux enfants sont violés par jour au Sénégal. Et 9 sur 10 cas sont commis par l’entourage familiale », révèlent les statistiques.

Ainsi, des organisations non gouvernementales (ONG) actives dans la protection de l’enfant, ont publié qu’environ 400 cas de viol sont recensés par an et la plupart de ces crimes se passent dans la banlieue ou autour des villes touristiques. Toutefois, elles précisent que ce chiffre est en deçà de la réalité. Les coupables ne sont pas souvent traduits devant les juridictions. A cela s’ajoute le mutisme des parents des victimes. Surtout, si l’auteur est dans l’entourage de la victime, (père, oncle, maître coranique…). Par conséquent, selon des sources dignes de fois, « le crime est enterré, suite à un arrangement à l’amiable ou quelquefois pécuniaire. Dans de pareille situation, les coupables ne sont souvent jamais sanctionnés. Ce qui pousse des spécialistes à dénoncer « le basculement des valeurs ».

Pour les sociologues, le phénomène de viol s’explique par les difficultés actuelles de la vie : les parents n’ont plus le temps de s’occuper de leurs enfants. Avant, l’enfant était protégé par toute la collectivité, mais maintenant avec « les familles nucléaires » et les problèmes économiques, l’enfant est livré à lui–même et « aux maniaques sexuels ». Une jeune fille victime, sous le saut de l’anonymat, confirme les dires de ces acteurs des sciences sociales.

Agée aujourd’hui de plus de 20 ans, elle révèle avoir été violée en 1993 par le fils de sa tante, alors qu’elle n’avait que huit ans.  Un dispositif législatif répressif et dissuasif, est déployé par le Code pénal qui criminalise un viol commis sur un mineur. « L’auteur du viol risque une peine d’emprisonnement de 5 à 10 ans. Cette peine est aggravée, lorsque la victime se trouve être un mineur de moins de 13 ans accomplis. Dans ce cas, le maximum de la peine (10 ans) sera prononcé. Les complices risquent les mêmes peines ». Mais, face aux silences des familles des victimes, source de protection des violeurs, cette loi n’est pas toujours appliquée.  Aileen Langley, psychothérapeute à Childline, d’une ONG sud africaine a mis à la disposition des victimes ou des témoins une ligne de téléphone gratuite et ouverte vingt-quatre heures sur vingt-quatre. A travers cette ligne, elle a découvert plusieurs causes à ce drame, la première étant la pauvreté et la promiscuité dans laquelle vivent les familles. « Tout le monde, parents, enfants dorment dans une seule pièce, il n’y a aucune intimité. Les familles pauvres n’ont pas de vraie baby-sitter, les enfants sont gardés par les grands-mères ou des voisins, pas toujours très attentifs ou pas bien intentionnés. » Aileen Langley fait la distinction entre la pédophilie (clairement orientée vers les enfants) et les autres agressions, la majorité des cas, qui s’en prennent à un enfant un peu par hasard, comme « un beau-père qui se retrouve seul un soir, saoul, avec sa belle-fille de 12 ans, et a une relation sexuelle. Souvent, ces hommes ne se voient pas comme des violeurs, car il n’y a pas forcément de violence, et ils considèrent ça comme une relation normale ». Plus de 90 % des enfants violés connaissent leurs agresseurs, un père, un beau-père, un oncle, un voisin. Pauvreté, promiscuité, alcoolisme, mais aussi un héritage historique qui pèse encore très lourd.  



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