La politique guinéenne : un commerce sans business plan et sans capital (Par Rafiou Bah)

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Par définition, la politique est tout engagement dans l’organisation ou dans la gestion d’une cité (Polis) et l’exercice du pouvoir dans une société structurée. On peut entendre par cité toute entité regroupant des individus appelés citoyens, et qui sont soumis à une même autorité. Cette entité peut être : une ville, un État, un Empire ou un royaume. Même la gestion d’une famille est politique.

En effet, l’on se rend compte que l’engagement politique consiste à se mettre au service de l’intérêt général de la collectivité. C’est cette recherche permanente de la satisfaction de l’intérêt collectif qui donne un caractère noble à l’engagement politique. Par conséquent, tout acteur politique digne de nom doit avoir comme crédo la satisfaction de l’intérêt collectif. Ainsi, il doit tout mettre en œuvre pour parvenir à cette finalité.

Cependant, il y a un préalable pour qu’un acteur politique arrive à une telle finalité. Ce préalable est : les motivations de son engagement et sa moralité (son ethnique). L’acteur politique s’engage-t-il pour mettre ses capacités intellectuelles et son temps au service des siens (concitoyens), de sa cité (État, ville, région, etc.) pour la satisfaction de l’intérêt collectif ? S’engage-t-il pour se servir des siens (concitoyens), de sa ville, de son État pour satisfaire ses intérêts ? Comme la gestion de la cité implique la gestion des biens collectifs qui, à son tour, nécessite une certaine moralité de l’acteur, quelle est son éthique ? Voilà à mon sens deux points fondamentaux qui déterminent l’aboutissement de l’objectif final qu’est : la satisfaction de l’intérêt général.

Alors, au regard de ces éléments, analysons les réalités de la politique guinéenne qui sont aux antipodes de cette noble finalité recherchée dans l’engagement politique qu’est : la satisfaction de l’intérêt collectif.

Dans notre pays, l’engagement politique est caractérisé par l’immoralité à tous les niveaux. Aucun sens de l’intérêt général. La plupart des acteurs politiques sont engagés pour se servir de leurs concitoyens pour satisfaire leurs intérêts personnels ; détourner les biens collectifs pour s’enrichir au détriment de la collectivité.

Les acteurs politiques dans leur quasi totalité n’ont de camp que celui du pouvoir et de l’argent. Ceux qui défendent des valeurs humanistes et républicaines sont rarissimes dans la sphère politique guinéenne. De la mouvance à l’opposition, les valeurs défendues sont celles liées au pouvoir (poste électif ou nominatif) et à l’argent. Face à ces deux phénomènes, ils perdent complètement leur sens de l’intérêt collectif qu’ils prétendent fallacieusement défendre.

C’est pourquoi ce milieu jadis réservé aux plus soucieux des autres, est inondé d’hommes et de femmes sans valeurs morales. Si au départ, ils scandaient à tout bout de rue, l’intérêt général, une fois aux affaires, ils ne se préoccupent désormais que de leurs intérêts personnels. À leurs yeux, tous les moyens sont bons pour arriver à leurs fins. D’ailleurs, c’est ce qui explique principalement la navette que la majorité d’entre eux font entre la mouvance et l’opposition. Cette navette est devenue le sport favori pour bon nombre de politiciens.

Par ailleurs, il y a aussi l’état nécessiteux voire besogneux dans lequel se trouvent bon nombre d’acteurs politiques guinéens. Du coup, ils ont trouvé un moyen de faire leur commerce florissant sans forcément avoir besoin d’un business plan et d’un capital. Et ce moyen est : la création d’un parti politique ! Ce business explique l’effectif pléthorique de partis politiques dans notre pays. La majorité de ces partis politiques et de leurs dirigeants sont méconnus par le grand public. Ce sont des partis « satellites » qui n’existent que de nom. Ils n’ont aucun programme de société. Certains parmi eux manquent de tout. Ils manquent de membres et de moyens financiers pour animer leurs activités politiques. De ce fait, leurs dirigeants sont à la recherche d’acquéreurs. Ainsi, ils bradent leurs partis aux intéressés à un coup pas cher. Également, ils se servent de leurs partis politiques pour faire du chantage au pouvoir et à l’opposition. Ils nouent des alliances politiques fictives, car sans existence réelle. Toutes ces pratiques continuent de polluer et d’infecter le milieu politique guinéen.

En effet, ce milieu nécessite une désinfection pour séparer le vrai du faux. Cela ne peut se concrétiser que par la moralisation de la vie politique.

Comment moraliser la vie politique guinéenne ?

Dans un premier temps, l’État doit exiger le respect de la charte des partis aux formations politiques existantes. Il doit être plus regardant sur l’effectivité des activités des partis, telles que : la capacité à participer aux élections, la capacité à financer leurs activités sans compter sur les subventions de l’État, la capacité de mobilisation et d’animation des activités (AG, Meeting, Congrès, etc.) ; et surtout, la présentation d’une comptabilité annuelle pour faire l’état des lieux sur leur santé financière.

Tous les partis politiques qui ne remplissent pas ces éléments, doivent être dissous !

Dans un second temps, tout acteur désirant créer un parti politique doit justifier d’une activité professionnelle génératrice de revenus lui permettant d’être en dehors de tout besoin financier qui justifierait son « commerce politique ». Ainsi, les besogneux seront empêchés de se faire un chemin via la politique.

Le choix des acteurs pour animer la vie politique est important. D’ailleurs, c’est pourquoi à travers ce qu’il appelle l’ « intellectualisme moral », Platon préconisa que la gestion de la cité soit confiée à des Philosophes qui sont réputés être sages d’autant plus que la Philosophie est par définition l’amour de la sagesse (selon Pythagore). Par contre, vous comprendrez bien que ma démarche ne consiste pas à dire qu’il faut réserver l’engagement politique uniquement aux Philosophes. Ma démarche est celle qui consiste à dire qu’il faut réserver la politique aux personnes dont la moralité est irréprochable à tous les niveaux et surtout, qui ont le sens de l’intérêt général.

Je suis persuadé qu’en appliquant ces mesures, cela favorisera l’assainissement de ce milieu rempli d’immondices à l’image de celles qui jonchent les rues de Conakry. Cet assainissement est un salut public !

Rafiou Bah



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