L’appel à la manifestation déclenché par le Front National pour la Défense de la Constitution s’est soldé par la Mort de plusieurs personnes, 8 selon les autorités et bien plus selon les Membres du FNDC et plusieurs blessés. Déjà Samedi, le Coordinateur du FNDC et beaucoup d’autres membres de cette structure à Conakry et dans certaines villes du pays ont été arrêtés et mis sous mandat de dépôt. Des violences ont éclaté partout dans le pays. Nous avons joint au Téléphone Mamadi Kaba ancien Président de l’institution nationale indépendante des droits humains (INIDH).
Horizon Guinée: Comment vivez vous la situation actuelle du pays?
Mamadi Kaba: La situation actuelle du pays est décourageante et révoltante. Parce que dans une démocratie rien ne justifie qu’une dizaine de jeunes soient tués par balles et que des dizaines d’autres personnes soient blessés dans des conditions lamentables, et qu’il y ait des arrestations. Je pense notamment aux leaders du FNDC qui sont arrêtés simplement parce qu’ils ont appelé à manifester. Détenir des citoyens parce qu’ils ont appelé à manifester est un délit. La manifestation est un droit reconnue par la constitution. Détenir des citoyens pour avoir appelé à manifester est un abus de pouvoir. Je pense que soit nous sommes en démocratie, soit on y est pas. Et si nous sommes en démocratie, je pense que des erreurs peuvent être commises. Je peux considérer que ce sont des erreurs de compréhension et donc dans ce cas, il faut libérer les gens sans conditions et le plus vite possible. Maintenant si c’est une situation de non droit, alors ils peuvent être maintenus en prison. Mais ce qui est important, c’est que la colère populaire ne peut pas être canalisée par la voie de la répression, de l’intimidation et de l’usage disproportionné de la force. la colère populaire se maîtrise par le respect des lois. Le respect des lois doit être une condition de l’exercice du pouvoir, c’est ça aussi l’esprit républicain. Si nous voulons que notre pays continue à renforcer sa démocratie et son État de droit, il faut bien que certains comportements soient abandonnés. Je comprends, toute cette situation est la conséquence que des personnes qui n’ont jamais cru à la démocratie, qui ont toujours agi contre la démocratie, et contre les démocrates par le passé sous le régime de Lansana Conté (Paix à son âme ), continuent d’occuper des fonctions. Quand vous n’avez jamais oeuvré pour la démocratie, ce n’est pas maintenant qu’ils vont apprendre. Il est important que le président ait recours à des personnes qui croient à la démocratie et qui peuvent oeuvrer au renforcement des acquis démocratiques.
La seule façon d’arrêter la violence c’est d’user de la justice. Seule la justice est plus forte que la violence.
Horizon Guinée: Quels messages avez vous pour le chef de L’ État ?Mamadi Kaba: J’exhorte le président à poser des actes qui décrispent la situation et créer les conditions d’un dialogue franc et sincère devant aboutir à la mise en place des chefs de quartier et district qui ont été élus conformément au code électoral et aussi à des élections législatives crédibles dont les résultats seront acceptés par tous. Je pense qu’une adresse à la nation soit faite par le chef de l’état pour rassurer les différentes parties et les inviter à la table du dialogue et que ce dialogue soit orienté sur la justice pour toutes les victimes, c’est à dire rechercher et punir les coupables de ces violences, parce que la violence appelle la violence. La seule façon d’arrêter la violence c’est d’user de la justice. Seule la justice est plus forte que la violence. Donc, il faut rendre justice et engager le pays dans la voie d’élection législative libre et transparente mais aussi les présidentielles dans le délai. J’invite Monsieur le Président de la république à respecter davantage les lois de la république notamment la norme suprême qu’est la constitution.
Horizon Guinée: Justement le combat que mène le FNDC c’est pour la défense de cette constitution, quel est votre avis là dessus?
Mamadi Kaba: Je pense personnellement qu’il n’y a aucune urgence à doter le pays d’une nouvelle constitution dans ces conditions là. Vous savez même les amendements à la constitution doivent requérir un minimum de consensus. Ce n’est pas sur fond de divisions profondes que les amendements se font à plus forte raison une nouvelle constitution. Notre problème n’est pas nécessairement un problème de constitution ou de textes de lois, notre problème c’est un problème d’hommes. Vous savez pendant la transition en 2009, nous étions tous unanimes que notre problème était la constitution qu’il fallait réaménager. Nous avons fait adopter une constitution dans laquelle beaucoup d’institutions ont été créées mais vous avez vu que ça n’a pas changé grand chose. Nous avons l’une des meilleures constitutions de la sous-région mais nous n’avons pas la société à laquelle nous aspirons en élaborant cette constitution. Donc cette constitution n’a pas changé beaucoup de chose dans les conditions d’existence de la société guinéenne. Donc nous n’avons aucune preuve qu’une nouvelle constitution donnerait plus de résultats que l’ancienne.
Il n’y a pas d’urgence à doter le pays d’une nouvelle constitution dans ces conditions là(…). Ce n’est pas sur fond de divisions profondes que les amendements se font à plus forte raison une nouvelle constitution.
Nous n’avons aucune preuve que la nouvelle serait mieux pour le guinéen que celle qui est en vigueur actuellement. Ce qui est important, c’est que vous avez des pays qui n’ont pas de constitution mais qui ont réussi à bâtir des sociétés fortes et respectables. Notre pays peut bel et bien évoluer avec la constitution actuelle. Je ne pense pas que des effusions de sang soient nécessaires pour doter le pays d’une nouvelle constitution d’autant plus que nous n’avons pas de preuve que nous aurons une nouvelle société avec une nouvelle constitution. Nous nous battons inutilement, nous faisons des victimes pour rien. Le véritable combat c’est celui qui consiste à doter le pays d’une assemblée nationale crédible, apte à travailler sur toutes les questions d’intérêts national et à travailler pour que les élections présidentielles se tiennent à date et qu’elles se passent dans les conditions transparentes et paisibles. Je pense que c’est le combat qu’il vaille d’être mené. Nous avons maintenant une année pour organiser 2 élections majeures. Je pense que nous devons nous concentrer sur cet objectif là.
Horizon Guinée: Votre dernier message
Mamadi Kaba: J’appelle les guinéens au calme, à la retenue. Je voudrais que les forces de sécurité arrêtent l’usage disproportionné de la force. Que le Président de la république qui est le garant de la stabilité et l’unité nationale prenne les choses en main et pose des actes qui favorisent le dialogue et l’organisation rapide d’élection libre et transparente. Le plus important aujourd’hui pour la Guinée c’est la paix. La paix peut nous amener à relever des défis. Nous avons beaucoup de défis dont les plus importants sont l’organisation des élections législatives et présidentielles.
Entretien réalisé par MH DIALLO
