TPI de Dixinn: Gendarme jugé pour meurtres, maître Traoré soulève des interrogations pertinentes

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À propos du procès du gendarme poursuivi devant le Tribunal criminel de Dixinn pour meurtres et coups et blessures volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner, il faut se garder de tout raccourci. Certes, il a été photographié ou filmé une arme à feu en main. Certains disent qu’il était en train de tirer, d’ouvrir le feu à l’occasion d’une manifestation au cours de laquelle trois cas de mort ont été enregistrés.
La vidéo publiée sur les réseaux sociaux n’indique cependant pas que c’est lui qui a tué ces trois citoyens. On le voit juste pointant son arme sur on ne sait quelle cible. Il déclare qu’il avait en face de lui un manifestant qui était porteur d’une arme à feu et qu’il aurait fait des tirs de sommation pour le  » dissuader « . En fin de compte,  » le jeune » a pris la fuite. Même si le gendarme ne peut prouver qu’il était sous la menace d’un manifestant armé, il dit que celui-ci s’est enfui. Ce qui signifie que ce dernier n’a pas été tué, suivant la version du gendarme poursuivi. La question qu’il faut se poser est donc de savoir pour quels meurtres et pour quels coups et blessures volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner il est jugé.
Il faut espérer qu’il sera démontré au cours des débats que c’est lui qui a effectivement donné la mort aux trois manifestants. Il ne faut pas perdre de vue qu’il est établi désormais, en tout cas selon des déclarations d’hommes en uniforme, que des agents de maintien d’ordre portent parfois si ce n’est souvent des armes létales. Dans de telles conditions, comment établir au-delà de tout doute raisonnable que c’est ce gendarme-là qui est précisément l’auteur et même l’unique auteur de ces homicides? Autrement dit, le juge pourra-t-il donner sa tête à couper que c’est bien cet agent qui a tué ces trois manifestants ou un quelconque manifestant ?
Il est important de rappeler que le Capitaine Kaly Diallo qui avait été condamné en première instance pour des faits similaires avait été en fin de compte acquitté en appel. Mieux vaut acquitter mille coupables que de condamner un seul innocent, dit-on. Les défenseurs des droits de l’homme et les familles de personnes tuées ont toujours demandé que des enquêtes soient menées afin que les bourreaux soient identifiés et traduits devant la justice pour répondre de leurs actes. Mais encore faut-il que ce soit des enquêtes sérieuses et non des  » investigations » à la va-vite qui n’aboutiront qu’à sacrifier quelqu’un à qui on pourrait bien imputer un acte répréhensible mais pas les faits pour lesquels il est poursuivi.
Or, à chaque fois qu’un innocent est condamné, c’est que le véritable coupable est en liberté et va sûrement commettre d’autres actes délictueux.
Maitre Mohamed Traoré avocat



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