Culture: Comprendre les « autorisations interdites » en milieu peul de Guinée( Par Alimou SOW)

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Il faut du temps, parfois beaucoup de temps, et d’intelligence pour comprendre les subtilités de la communication en milieu peul: le dessous des messages, les codes cryptés, l’expression de la politesse et de l’estime; bref le sens du « teddugal » (l’honneur).
On peut vous dire une chose, mais vous devriez comprendre l’inverse en réalité. Parmi ces subtilités incongrues, en voici trois:

  1. « N’enlevez pas vos chaussures, c’est sale ». Vous entendrez cette phrase presque à chaque fois que vous serez sur le point d’entrer chez un Peul. Alors qu’en général, on se déchausse avant de fouler la véranda ou le salon de quelqu’un. Plus la personne visitée a de l’estime pour vous, plus elle insistera pour que vous gardiez vos chaussures. Elle insistera en prétendant que le sol du salon est sale (alors que c’est parfaitement nickel) ou que le parquet est froid. Mais la bonne manière veut que vous refusiez d’obéir à son invitation. En tant que visiteur, vous devez enlever vos chaussures avant d’entrer, surtout si la maison est propre. Ne pas le faire en traînant au salon sa godasse puante peut souvent être très mal vu et interprété comme un manque notoire de courtoisie. En réalité, l’invitation de ne pas vous déchausser est une simple marque de politesse à renvoyer en refusant d’obéir. 🙃
  2. « Faites-nous prier »: En dehors de la mosquée ou un lieu habituel, diriger la prière collective obéit à un rituel de ping-pong. Si l’on vous désigne de faire l’imam, n’acceptez pas tout de suite. C’est un honneur que l’on vous fait, certes, mais il est de bon ton de décliner pour la première fois surtout si vous êtes le moins âgé du groupe, ou le moins instruit. Vous pouvez alors passer « l’honneur » au plus âgé, au plus instruit ou à « l’étranger » s’il y en a un. Si après une première déclinaison on insiste, vous pouvez l’accepter. Mais si vous l’acceptez à la première invitation, tâchez de bien faire les choses. Sinon on ne vous fera pas de cadeau en cas d’erreur. Awa !
  3. « Mettez la sauce »: manger en groupe dans le même bol est une pratique courante dans la société guinéenne. Si vous êtes du groupe, ne vous précipitez pas pour mettre la sauce dans le plat, même si on vous y invite. Dans le cas échéant, ne manquez pas de placer un « pardon » au moment de verser la sauce. En effet, certains convives pourraient s’offusquer d’une initiative personnelle de mettre la sauce, surtout s’ils sont les aînés ou si des liens de mariage existent dans le groupe (belle-famille, gendre, etc.). Méfiez-vous également de l’unique gros morceau de viande dans le plat. Dans certains milieux, il pourrait vous coûter cher…
    La rigueur appliquée à ces « autorisations interdites » dépend beaucoup du milieu (ville/ village) et de l’époque. Elles sont de moins en moins rigoureuses (sauf pour le premier cas peut-être) et il existe bien d’autres situations similaires.
    Si vous n’êtes pas Peul et trouvez ce mode de communication complexe à comprendre, ne vous en faites pas: même certains Peuls s’y perdent complètement. Hino louggui yo Bappa Samba !
    Par Alimou SOW (sur sa page Facebook )


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