Les causes de la corruption en Guinée ACTE I (Par Ibrahima Sanoh)

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Tout a une cause et rien ne naît du hasard. Penser aussi que la corruption est un mal aux causes multiples est un prélude au diagnostic sérieux. Ce faisant, la mise en vente de sa conscience qu’est la corruption a plusieurs causes. Comme le disait l’économiste Robert klitgaart : « la corruption est un délit calculé et non passionnel. »  Parmi les différentes causes de la corruption, je citerai entre autres :

1) Les causes politico-administratives

 Les causes politico-administratives de la corruption sont nombreuses, nous citerons celles dont nous croyons être les plus importantes. Une bonne gouvernance, voilà le concept en vogue pour porter jugement sur les performances des décideurs. Avant de parler de mauvaise gouvernance, il conviendrait de définir, ce que c’est qu’une bonne gouvernance et qu’elles sont ses caractéristiques, cela pour éviter d’être une autre victime de la tyrannie de la mode ou du langage commun.

 Selon l’Institut sur la gouvernance : « la gouvernance est l’ensemble des établissements, des procédés et des traditions qui dictent l’exercice du pouvoir, la prise de décision et la façon dont les citoyens font entendre leur voix 7». Suivie de l’adjectif qualificatif ’’ bonne ‘’, la gouvernance veut dire au sens de la Banque mondiale : « la manière avec laquelle le pouvoir est exercé dans la gestion publique des ressources économiques et sociales en vue du développement.8 » Daniel Kaufmann et Aart Kraay tous deux chercheurs à la Banque mondiale, présentent six indicateurs de la bonne gouvernance, ils sont en effet ceux présentés dans les rapports de la Banque mondiale. Ce sont :

 La liberté d’expression et la redevabilité ‘’ accountability’’,

 La stabilité politique (faibles violences politiques),

 L’efficacité des gouvernements – on fait allusion à leur capacité à réaliser des

performances économiques pour la satisfaction des besoins de la société,

 Le poids de la réglementation,

 La règle de loi,

 L’Indice de perception de la corruption.

 Donc les pays où règnent de la bonne gouvernance sont ceux : où les citoyens jouissent de plus de liberté d’expression, où règnent la stabilité politique et moins de violences, où les gouvernements sont efficaces et en fin où la corruption est basse et maîtrisée. Ne jouissant d’aucun de ces éléments sus mentionnées, pour ne pas être méchant, de tous ces indicateurs dans leur plénitude, dire que la Guinée souffre de la mal gouvernance n’est pas une insulte mais une lapalissade et voire une réalité sidérante.  Dans notre cadre de la corruption, les causes liées à la mauvaise gouvernance sont :

a) La culture de l’impunité

 Celle-là n’est que la conséquence de la faiblesse de la gouvernance à tous les niveaux. Ce faisant, le corrompu et le corrupteur peuvent coexister en la même personne, le plus souvent, c’est cela le cas. Dans un tel cas de figure, les dénonciations sont quasi-impossibles. C’est la loi de l’omerta, lorsque les pontes de l’Etat qui se livrent à la corruption ont des passifs parmi ceux qui sont censés les inspecter. Ne soyez pas surpris que les organismes de lutte contre la corruption en Guinée et même ceux en charge de faire des inspections produisent année après année les mêmes rapports, avec les mêmes observations et conclusions. Ces rapports parasitaires sont produits depuis des lustres ! Très souvent, on y fait montre des montants détournés, mais jamais des élucidations  quant aux éventuels présumés auteurs ne sont jamais faites et des poursuites judiciaires ne sont jamais engagées. La culture de l’impunité explique bien cela.

 Pour illustration, l’histoire de notre pays enseigne que ce sont seulement en 1998 ,1999 et 2000 que le Procureur de la République a ouvert des enquêtes sur la corruption et pas les moindres. Elles furent au sujet des détournements de deniers publics à la Direction nationale des impôts (DNI), à l’ANAIM (l’Agence Nationale de l’Aménagement des Infrastructures Minières), à la Direction Nationale du budget, de même que la société Friguia. La suite est bien connue : des condamnations furent prononcées, on radia de la fonction publique les cadres dont les implications dans ces manœuvres furent prouvées, mais les sanctions ne furent point suivies .Les condamnés reprirent rapidement leurs fonctions respectives et certains bénéficièrent même des promotions. Voilà comment on encouragea la corruption.  

Pendant plus de sept ans, la justice a été quasi-inexistante quand il s’est agi de mettre aux arrêts les acteurs de la corruption, elle ne peut nullement enquêter sur les cas de fraudes, de népotisme, de favoritisme, d’usage d’informations privilégiées, alors que se sont aussi des formes de corruption. Et même celle financière est mal combattue.  

Dans d’autres cieux, les corrompus sont combattus et sanctionnés. En2004, le président rwandais Paul Kagamé limogea brutalement tous les 503 membres du système judiciaire de son pays pour corruption et incompétence. En 2007, dans le même pays, 62 officiers de la police avaient été démis de leur fonction pour sollicitation de pots-de-vin. Et aujourd’hui, la corruption est bien faible au Rwanda, pourtant avant il était reconnu comme étant l’un des pays les corrompus du continent. D’autres réformes de grandes envergures furent menées au Rwanda par le président Kagamé et ce pays est le 11e meilleur en termes de gouvernance selon le classement de la fondation Mo Ibrahim pour la bonne gouvernance au titre de l’année 2014.   

La Géorgie grand pays corrompu jusqu’en 2003, réussit à comprimer sa corruption endémique dans un délai record de 7 ans entre 2003–2011. Le gouvernement du président Mikheïl Saakachvili démit 16 000 policiers de leurs fonctions, 80 % du personnel de la douane et réduisit le nombre d’universités de 247 à 37. De même, les dirigeants chinois sanctionnèrent en 2012 ; 660 000 cadres et responsables communistes pour corruption. Dans ce pays, la corruption est considérée comme un crime passible de mort. Pour être autant dur, il faut incarner un leadership éthique et constituer un gouvernement d’Hommes intègres et compétents. Les sanctions non-monétaires sont souvent plus efficaces que celles monétaires.

L’acte II sera publié dans nos prochaines editions

Par  Ibrahima Sanoh Economiste, écrivain et activiste



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