Clandestins, l’histoire vraie d’Aliou, de la Guinée à Dinan

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« Clandestins » c’est l’histoire vraie que partage Aliou Hamidou Bah. Il a dû fuir la Guinée et réside à Dinan depuis 2019.

167 pages de périple, 6 000 kilomètres de violences entre Conakry et Dinan. Mais, Clandestins, ce sont aussi de belles rencontres, de grands humanistes et des gestes de solidarité, sans lesquels Aliou aurait pu connaître une fin bien plus funeste.

Tout commence à Conakry, capitale de la Guinée. Aliou Hamidou Bah, aujourd’hui âgé de 25 ans, est né dans une famille aimante et aisée. Il entame une licence de géologie et s’investit dans le parti politique d’opposition principal au président actuel, Alpha Condé. Mais, là-bas, s’opposer au président, c’est aussi s’exposer à son courroux.

Descente de police

Étudiant engagé, il affiche ouvertement son opposition à l’autoritarisme.

Un matin, alors qu’il travaille à la boutique de son père, la milice fait une descente chez lui avec la ferme intention de l’arrêter.

« La police tire à balles réelles sur les manifestants et fait régner un climat de peur pour ceux qui s’opposent au Président, ces dernières années il y a eu des centaines de morts lors des manifestations, beaucoup de jeunes et souvent des Peuls », ethnie marginalisée par ses pairs guinéens.

Aliou part alors se réfugier à quelques kilomètres de la capitale, pensant que la situation s’apaisera, mais ce n’est pas le cas.

« La police retourne chez moi et saccage la maison, ma famille a peur. Je n’ai plus le choix, il faut les protéger, ma présence les met en danger, ça m’arrache le cœur »

Descente aux enfers

Aliou n’a jamais beaucoup voyagé mais le voilà sur la route du jour au lendemain. Un sac à dos, quelques billets donnés par son père, de quoi grignoter et des au revoir faits dans la précipitation, sans savoir quand ni s’il pourra revoir ceux qu’il aime. Heureusement, dans son malheur, il est accompagné par son meilleur ami, Ousmane, qui a décidé de le suivre.

Pour rejoindre l’Europe, il devra traverser le Mali, puis l’Algérie et le Maroc pour espérer arriver en Espagne et rejoindre la France.

C’est dans le nord du Mali que débutera la violence pour les deux jeunes hommes. Le camion dans lequel ils se trouvent, et qui abrite une soixantaine de migrants, est subitement arrêté par des hommes armés jusqu’aux dents.

« On nous a pointés avec des kalachnikovs. Le chef a dit qu’il avait déjà tué six personnes ce jour et, pour nous faire renoncer au peu que nous avions, il a abattu deux personnes de sang-froid devant nous »

Les voilà kidnappés.

C’est la rançon payée par son père qui lui sauvera la vie. Ce ne fut pas le cas de tous.

« Ils nous ont fait creuser nos tombes, je ne sais pas ce qui est arrivé à ceux qui n’avaient pas de quoi les payer… »

Une fois libéré, en route pour l’Algérie, qui ne lui réserve pas un bien meilleur accueil « j’ai fini par m’évanouir, affamé et assoiffé, nous avons été recueillis par un couple algérien formidable qui m’a soigné ».

Puis c’est reparti, beaucoup profitent au passage de leur situation, leur donnant espoir pour finalement les dépouiller.

Après des kilomètres parcourus à pied et habillés de guenilles, ils arrivent enfin au Maroc pour embarquer sur un canot pneumatique de fortune. « À notre première tentative, j’ai vu que la mer était agitée mais le passeur nous a dit d’y aller quand même ».

L’embarcation chavire. Aliou ne sait pas nager. Ousmane lui sauvera la vie mais quatre personnes n’arriveront pas à rejoindre la berge. Cette nuit-là, il perdra un ami qui fuyait lui aussi la Guinée.

Nouvelle tentative plusieurs semaines après le drame, la peur au ventre, mais voilà les quatorze clandestins secourus en Méditerranée.

Puis enfin l’arrivée tant espérée en Europe. L’Espagne, la frontière française, puis Perpignan et Paris.

Son ami Ousmane décide de s’arrêter là et d’intégrer la légion étrangère. Aliou lui est accueilli par l’association Noz-Deiz, à Dinan, en février 2019.

Depuis son arrivée, Aliou s’est engagé dans plusieurs associations de charité dont la Croix-Rouge et l’Atelier du 5bis.

« On m’est venu en aide, je trouve ça normal de rendre la pareille »

Malgré ses traumatismes, Aliou déborde d’optimisme, toujours souriant et enjoué. Son livre, il l’a écrit « pour donner voix aux sans-voix » mais aussi pour commencer à tourner la page et à la mémoire de son père, décédé peu après son arrivée en France.

« Clandestins », un livre de Aliou Hamidou Bah aux éditions Les impliqués (©Le Petit Bleu des Côtes d’Armor)

Asile refusé

Sa première demande d’asile a été refusée, la prochaine audience est attendue le 8 juin.

D’ici là, Aliou continue à s’investir pour les associations dinannaises et aspire à pouvoir, lorsqu’il sera en règle, reprendre ses études de géologie à la faculté de Rennes et retrouver un semblant de vie ‘normale’ même à 6 000 km de la Guinée.

« J’espère un jour pouvoir retourner chez moi, retrouver ma mère et mes deux sœurs, mais, pour l’instant, c’est trop dangereux »

Clandestins, aux éditions Les impliqués, à retrouver dans les librairies de Dinan jusqu’en Guinée.

Source : www.actu.fr/bretagne



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