Centrafrique : Un Français arrêté à Bangui avec « un arsenal de guerre »?

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Les autorités centrafricaines ont annoncé, lundi, l’arrestation d’un ressortissant français en possession d’armes de guerre. Présenté comme un « espion » ou « un mercenaire » sur les réseaux sociaux et par certains médias, l’agent de sécurité est actuellement en garde à vue. Paris dénonce une « instrumentalisation » de l’affaire et pointe du doigt le rôle de la Russie, sans la nommer.

L’image enflamme depuis plusieurs jours les réseaux sociaux en Centrafrique et dans plusieurs pays africains. Assis sur le perron d’un commissariat de Bangui, mains attachées dans le dos, un ressortissant français est photographié avec à ses pieds un fusil d’assaut de type M-16, un fusil de précision, une arme de poing, des munitions et du matériel de camping.

Selon le procureur général Éric Didier Tambo, l’homme de 55 ans a été appréhendé, lundi 10 mai, à son domicile par les hommes de l’Office central pour la répression du banditisme (OCRB), une unité spéciale de la police centrafricaine. À son domicile, les enquêteurs auraient retrouvé « un véritable arsenal de guerre ».

Selon les autorités, l’homme se ferait passer pour un journaliste et serait connu pour avoir pris part en 2013 à la formation militaire de la Seleka, la coalition musulmane qui combattait l’ancien président François Bozizé.

Très rapidement, l’information est relayée par le Russe Valéry Zakharov, conseiller du président centrafricain Faustin-Archange Touadéra. Sans mentionner la nationalité du suspect, celui-ci évoque « une énorme quantité d’armes et de munitions » et assure qu’une enquête est en cours.

Bientôt, les accusations de tentative de déstabilisation par la France fleurissent sur les réseaux sociaux. Le suspect est présenté comme « un mercenaire » ou encore « un espion » chargé de fomenter un coup d’État ou même d’assassiner le président Touadéra.

Un ancien militaire

Selon les photographies du passeport du suspect qui circulent sur Twitter, l’homme arrêté serait bien de nationalité française et s’appellerait Juan Rémy Quignolot.

Né en 1966 à Tunis, cet ancien militaire installé en Centrafrique depuis huit ans a travaillé dans le domaine de la sécurité privée et aurait assuré la protection de plusieurs ONG. Comme le rapporte Jeune Afrique dans un article consacré à l’affaire, ce ressortissant français est également détenteur d’un visa pour le Mali, valable du 11 novembre 2020 au 11 mai 2021.

Selon nos informations, l’homme serait un visage bien connu à Bangui et aurait été numéro 2 de Powers Security, l’un des plus gros employeurs privés du pays. Le Français aurait également servi de consultant en sécurité et de fixeur pour des grands médias internationaux comme Al-Jazeera, notamment au moment de la dernière élection présidentielle.

Pour le moment, l’agent de sécurité est uniquement poursuivi pour détention illégale d’armes. « Il y a beaucoup d’armes qui circulent à Bangui et beaucoup de personnes en possèdent compte tenu de la situation d’insécurité dans le pays », rappelle Thierry Vircoulon, chercheur à l’Ifri, contacté par France 24.

En proie à une guerre civile depuis 2013, la Centrafrique vit dans une instabilité constante alimentée par de puissants groupes rebelles qui contrôlent de larges pans du territoire.

Guerre de l’information

Paris suit de près l’affaire. Mercredi, le Quai d’Orsay a affirmé « déplorer l’instrumentalisation manifeste de cette arrestation et relever que les informations personnelles de cette personne ont été immédiatement rendues publiques par le biais de réseaux de désinformation liés à la promotion d’intérêts bien identifiés qui sont habitués à viser la présence et l’action de la France en République centrafricaine ».

Le ministère des Affaires étrangères a également indiqué exercer sa protection consulaire envers lui. « Cette protection vise à s’assurer que la personne dispose d’un accès à un avocat, à un médecin et de ses conditions de détention », détaille un porte-parole du Quai d’Orsay.

La médiatisation de cette arrestation témoigne une nouvelle fois de la guerre de l’information que se livrent Paris et Moscou dans le pays. Depuis 2018, la France voit son action contestée dans son ancienne colonie par une offensive diplomatique de la Russie, qui veut faire de la Centrafrique une tête de pont pour étendre son influence sur le continent. La France y est régulièrement visée par des campagnes hostiles relayées par des médias locaux et les réseaux sociaux.

L’objectif est clair : nourrir le sentiment antifrançais dans le pays. Pour Thierry Vircoulon, cette arrestation « n’est pas surprenante et participe à la campagne assez agressive menée contre la France. La découverte d’armes au domicile d’un citoyen français permet de mettre en avant la thèse complotiste habituelle des autorités, selon laquelle la France participerait à la déstabilisation du pays ».

Une enquête embarrassante

Hasard du calendrier, le jour de l’interpellation, Facebook a publié son dernier rapport sur les tentatives de manipulation sur son réseau, qui contient tout un chapitre consacré à la Centrafrique. On y apprend que le réseau social a supprimé 46 comptes, 32 pages et 6 comptes Instagram qui soutenaient activement la politique russe dans le pays et critiquaient systématiquement celle de la France et de la Minusca, la mission de maintien de la paix des Nations unies.

Dernière infox en date : une photographie montrant la livraison d’un jet privé russe à la présidence centrafricaine. Censée démontrer la générosité de Moscou envers la Centrafrique, l’histoire est totalement fausse, comme le révèle le site de l’AFP factuel, mais a pourtant été abondamment partagée sur WhatsApp et les réseaux sociaux.

Dans de précédents rapports, Facebook avait mis en évidence que Paris recourait à des pratiques identiques en République centrafricaine. En décembre 2020, l’entreprise américaine avait également annoncé la suppression de trois réseaux de « trolls » gérés à partir de la Russie et de la France, dont un ayant des connexions avec l’armée française.

Au-delà de ce contexte de guerre froide entre Moscou et Paris, l’arrestation de ce ressortissant français intervient aussi après la publication par RFI d’un article embarrassant pour les autorités russes.

Selon cette enquête très documentée s’appuyant sur des rapports confidentiels des Nations unies et des témoignages directs, plusieurs entités russes se seraient rendues coupables ces derniers mois d’exécutions, de viols ou encore d’arrestations arbitraires dans le pays. Des experts de l’ONU mettent notamment en cause le groupe Wagner, une société paramilitaire privée considérée comme le bras armé de Moscou.

Source France 24



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