Non le martyr de George Floyd n’est pas assimilable aux exactions en Guinée ! Par Sayon Damblélé

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Il est des sujets dont on aimerait bien se passer tant l’horreur et la barbarie qui les caractérisent sont révulsantes. Il est des mêmes sujets sur lesquels, a priori, un consensus est facile à trouver tant les choses semblent limpides. Le cas de l’assassinat froid et insolent de George Floyd par un policier raciste à Minneapolis entre dans cette catégorie. Il ne viendrait à l’idée de personne, même des pires suprémacistes, de justifier une telle abjection. Même Donald Trump, d’habitude si désinvolte et décomplexé, est gêné aux entournures. Jusque-là, tout va bien.

Toutefois, le tollé mondial suscité par le crime raciste de George Floyd a trouvé un écho politique et social dans beaucoup de pays. En Guinée, ce tollé s’est transformé, pour partie, en procès en sorcellerie contre certains de nos compatriotes dont les indignations sont taxées de « sélectives » car ils seraient davantage prompts à dénoncer les exactions ailleurs, mais muets et sourds sur la réalité guinéenne, en particulier les exactions des forces de l’ordre sur les populations lors des manifestations politiques. Ces griefs sont portés par une jeunesse politisée, omniprésente sur les réseaux sociaux et faisant feu de tout bois dans une logique politicienne.

D’abord ce constat me semble inexact car les exactions en Guinée sont dénoncées. Ces dénonciations me semblent légitimes et normales si tant est qu’elles ne rejoignent pas des connotations notamment ethniques car cette fibre sensible mobilise irraisonnablement vers des lendemains douloureux. C’est pourquoi la justice doit faire son job en condamnant les bourreaux à la hauteur des forfaits commis – d’où qu’ils proviennent – pour préserver ce vivre-ensemble.

Ensuite, pourquoi vouloir établir une comparaison entre le supplice insoutenable de George Floyd et les tueries en Guinée ? Cette comparaison me paraît inappropriée. L’indignation mondiale suscitée par la vidéo insoutenable de la mort de George Floyd tient à la question de fond qui sous-tend le drame : le racisme et les discriminations des populations noires. Au-delà de cette dimension universelle, c’est aussi l’effet multiplicateur des réseaux sociaux ayant relayé auprès de centaines de millions de personnes, la fin tragique presque chronométrée du pauvre Floyd. C’est là l’origine de cette vague d’émotion dans le monde. Elle est compréhensible.

Donc, entendre dire qu’il y aurait eu plus « 300 George Floyd en Guinée » sans qu’on s’en émeuve est indécent et tendancieux. Pour au moins deux raisons : d’une part, en attendant que la justice statue sur le sort du policier incriminé, la scène filmée montre clairement l’assassinat long et froid d’un homme, plaqué au sol, menotté et criant désespérément au secours « je ne peux pas respirer » jusqu’à son dernier râle. Qui peut soutenir qu’en Guinée, les différentes victimes ont été assassinées froidement ? Cela ne veut pas dire pour autant que leur mort est à déprécier ou à dévaloriser. Seulement, il faut replacer les choses dans leur contexte et se forcer à faire une analyse objective des situations respectives loin des tropismes politiciens et malheureusement communautaires. D’autre part, la mort isolée d’un homme menotté au sol lors d’une interpellation ne saurait être comparée aux bavures policières lors des mouvements de foules contestataires dont une frange peut être violente. Passer sous silence, la violence d’une frange des manifestants en Guinée est une autre forme de malhonnêteté qui perdure. A contrario, le révéler équivaut à être considéré comme une âme insensible qui justifie les tueries. Sacré pays qu’est le nôtre

Enfin, la morale de cette histoire est que chaque étincelle – nationale ou internationale – est une sorte de casus belli faisant courir le risque d’une crise sociale qui fragilise la Guinée. Celle-ci est à préserver et à sauver pour nous et pour nos enfants par delà nos divergences.

Sayon Dambélé



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