Un conte pour une nuit : les espoirs perdus de la nation

1687

Eux, qui auraient dû être la Solution, ils ne l’étaient en rien. C’était plutôt eux, le Problème, à la lumière de la vérité.

Bercés par le miroitement des privilèges, ils se laissaient envelopper par la brume de la corruption ; malades de cécité, ils ne pouvaient plus se regarder. Ni voir la douleur de l’Afrique. Ils en devinaient seulement quelques contours, ne faisant que maugréer contre un système auquel ils n’avaient pas conscience d’appartenir. Pensaient-ils s’opposer à ce système ? Et la meilleure manière était-elle d’en devenir la composante de haut niveau ? A quoi servaient alors leurs diatribes ?

Qu’est-ce qui, de la peur et de la faiblesse, les guidait le plus ? Il y avait de quoi avoir peur, avait-elle entendu dire.

Ici, lui avait confié un jour un compatriote de son mari, qui, par prudence, avait préféré l’exil, des feuilles de manguier comme des petites filles, du portefaix désœuvré comme du cadre, il faut se méfier. Tout le peuple s’espionnait pour le compte d’une espèce de créature qu’on ne voyait jamais, toujours entourée par un rideau d’agents de sécurité, que l’on entendait indéfiniment à la radio ; si souvent, semble-t-il, que les sots du quartier racontaient que cette voix était infatigable ; que c’est parce qu’elle s’était fait un jour entendre que le pays était devenu indépendant ; que, si jamais, cette voix se taisait, une catastrophe nationale se produirait.

Quand Diouldé, après son retour au pays, écrivait à ses amis de Paris, il risquait aussi de telles allusions ; dans l’ensemble, il se montrait tiède, voire acide. Il parlait de corruption, de la misère du peuple, d’une exploitation éhontée des richesses collectives par l’étranger. Mais, en même temps, il annonçait sa nomination.

Une nomination qui, d’abord, avait paru paradoxale, ahurissante à Josiane. Puis elle avait réfléchi : le réalisme commandait peut-être cela. Une fois à l’intérieur de l’édifice, il serait plus facile d’en étudier l’architecture, d’en mesurer la stabilité : après quoi, la démolir ne serait plus qu’un jeu d’enfant.

Cependant, à les voir boire comme des fous, manger comme des vicieux de l’appétit, dévoués au festin comme s’il n’y avait plus que cela, Josiane se demandait s’ils ne s’étaient pas définitivement embourbés, si leurs faibles protestations n’étaient pas les derniers soubresauts de gens qui avaient longtemps hésité entre la vie et la mort, qui n’avaient pas pu aller jusqu’au bout de leur hésitation ; qui s’étaient trouvés désarmés devant la vie, que la mort elle-même happait sans grande envie.

En eux, elle lisait comme dans un livre ouvert : leurs visages vides, leurs regards vaincus, leurs gestes pitoyables qui transpiraient la peur, leur personne fondante.

Tierno Monénembo : les crapauds Brousse

Leçon de Morale : Comme le dit l’auteur au tout début de ce texte « Eux, qui auraient dû être la Solution, ils ne l’étaient en rien. C’était plutôt eux, le Problème, à la lumière de la vérité » Autrement dit, dans la société actuelle guinéenne beaucoup de jeunes espoirs sont passés à côté une fois aux commandes. C’est par exemple le cas du club des 518. des jeunes recrutés et formés pour devenir de véritables commis de l’état dans un futur proche afin de redresser la gestion économique du pays, se sont transformés en machine à brouiller du fric. Un véritable gâchis



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