« Justice pour Mamoudou BARRY » : Sa veuve Fatoumata BARRY sort du silence et dénonce l’inertie de la justice

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 «Je veux me battre pour que justice soit rendue»

Dans un entretien accordé à nos confrères du Parisien le 2 Décembre dernier,  Fatoumata Barry la veuve de Mamoudou Barry, agressé mortellement en juillet, dénonce un crime raciste et évoque un dossier judiciaire «au point mort».

Le 19 juillet, Mamoudou Barry, un jeune universitaire franco-guinéen a été agressé mortellement près de Rouen à Canteleu dans la (Seine-Maritime). Le présumé coupable est depuis hospitalisé en psychiatrie. Fatoumata Barry, l’épouse de la victime, s’est confiée dans un entretien au Parisien. Elle dénonce un crime raciste et se plaint de l’inertie de la justice.

Dans quel état d’esprit êtes-vous depuis la mort de votre mari ?

FATOUMATA BARRY. C’est un immense vide. Je ne sais pas comment expliquer à ma fille de deux ans et demi qu’elle n’a plus de papa. A chaque fois qu’elle entend les clefs dans la serrure de la porte d’entrée, elle se précipite en croyant que c’est son père. Mais ce n’est jamais lui. Je suis en colère et n’ai qu’une idée en tête : me battre pour que justice soit rendue.

Où en est le dossier judiciaire ?

Il est au point mort. Depuis son arrestation, le suspect se trouve hospitalisé en psychiatrie, sa garde à vue étant incompatible avec son état de santé. Seule sa chambre d’hôtel a été perquisitionnée, mais pas le domicile de son père où il passait régulièrement. La juge n’est toujours pas allée rendre visite au suspect à l’hôpital. Il n’a jamais été entendu, il n’a même pas été mis en examen. A ce jour, nous n’avons aucune nouvelle du magistrat. Voilà pourquoi nous avons décidé de changer d’avocat et de faire appel à Me Antoine Vey. Nous voulons faire bouger les choses pour comprendre les raisons de cet acte odieux.

Racontez-nous ce qui s’est passé ce vendredi 19 juillet ?

Il était environ 20 heures, nous rentrions en voiture chez nous avec mon mari. Ma fille était gardée par son oncle à la maison. Nous circulions doucement avec les fenêtres ouvertes à cause de la chaleur quand nous avons été interpellés devant un arrêt de bus par un homme très agressif. Il nous a injuriés avec des insultes racistes sur les noirs que je n’ose pas répéter. Mon mari s’est garé un peu plus loin pour aller lui parler, il s’est approché de l’homme en lui disant : « Tu ne nous connais pas, pourquoi tu nous insultes ? ». En guise de réponse, il a immédiatement reçu un coup de poing, puis un coup de coude qui l’ont fait tomber au sol. L’auteur lui porte alors deux coups de pied, et un dernier coup de poing. Mon mari ne s’est jamais relevé. Je suis allée vers son agresseur en hurlant : « Tu as tué mon mari !». J’ai vu du sang couler des oreilles de Mamoudou. Le type m’a répondu de la « fermer » et m’a menacé. Des gens ont porté secours à mon mari, j’étais en état de choc. Je me souviens que l’homme est repassé devant nous, comme s’il ne s’était rien passé, comme s’il n’avait rien fait. Ensuite, j’ai été transportée à l’hôpital… Depuis je suis veuve.

Pensez-vous que c’est un meurtre raciste ?

Il y avait d’autres personnes à côté de lui à l’arrêt de bus et d’autres voitures qui roulaient. Mais c’est bien nous qu’il a insultés en nous traitant de sales noirs. Il portait un maillot du club turc de Galatasaray, c’était juste avant la finale de la Coupe d’Afrique des nations entre l’Algérie et le Sénégal. C’est la première fois que j’ai été insultée de la sorte. Je ne comprends pas, ni n’admets, que l’on puisse me dire que le meurtrier présumé de mon mari est un malade mental. Au moment de son arrestation, il a reconnu s’être bagarré et en avoir même parlé avec son père et sa copine. Une semaine après la mort de Mamoudou, s’est tenue une marche blanche à Rouen qui a rassemblé 1400 personnes, et plusieurs rassemblements en France, dont un à Paris mais aussi en Afrique, au Sénégal et en Guinée. Plusieurs associations comme SOS racisme étaient présentes pour dénoncer «un racisme anti-noir ».

Bénéficiez-vous de soutiens ?

On a reçu des soutiens du monde entier. Un comité de soutien intitulé « justice pour Mamoudou » s’est créé, il regroupe notamment des anciens collègues de mon mari, des enseignants. L’université de Rouen a décerné à titre posthume à mon mari un prix spécial pour sa thèse. Et celle-ci va être publiée.

Quel genre d’homme était votre mari ?

C’était un intellectuel, qui aimait échanger avec les gens. Il est issu d’une famille très nombreuse. Il était arrivé en France en 2012 juste après notre mariage en Guinée pour effectuer sa thèse de droit public. Il venait tout juste de soutenir. Mon mari voulait être avocat en Guinée, mais aussi maître de conférences en France. Il avait énormément de projets, dont il me parlait encore dans la voiture avant le drame.

Source le Parisien



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