CHRONIQUE d’un journaliste sénégalais : République de Guinée « Beau peuple, vilains dirigeants »

1030

Une chronique de Gaye Ababacar de SeneNews sur les présidents guinéens depuis l’indépendance. Le site Horizon Guinée vous livre la dernière partie de cette analyse concernant Alpha Condé.

Lisez

« La politique est une chose trop sérieuse pour être confiée aux politiciens », nous prévenait Charles de Gaulle. Cette déclaration d’une autre époque colle parfaitement avec le sort de la Guinée depuis son indépendance. Entrée dans l’histoire de façon singulière, avec le référendum de septembre 1958, le pays de Sékou Touré ne cesse d’évoluer dans la tourmente du fait de l’amateurisme de ses dirigeants. Aujourd’hui, plus qu’hier, le sentier reste énorme tant sur le plan de l’économie que sur le plan de la construction d’un véritable Etat de droit. On ne doit pas rester insensible à l’appel au secours de ce pays frère.

Échec, désillusion, goût d’inachevé ! Voilà entre autres les mots qui résument, dans toute leur négation, la situation de la Guinée postindépendance. Du combattant Sékou Touré au versatile Alpha Condé, rien n’a changé de ce beau pays si ce n’est des dirigeants qui se succèdent. On assiste certes à un changement de rôles où les persécuteurs d’hier deviennent les persécutés d’aujourd’hui mais le peuple reste toujours sur sa fin quant à l’avènement des promesses qu’on lui a faites. Autant en emporte le vent ! La Guinée, une République bananière malgré une culture du refus de son peuple.

Alpha Condé : Autres temps, mêmes mœurs

Démocratiquement élu, Alpha Condé est en effet le président guinéen le mieux choisi. Son accession au pouvoir en 2010 n’est pas le fruit d’un coup d’Etat comme ce fut le cas avec les régimes qui l’ont précédé ou du coup du sort comme ce fut le cas de Sékou Touré. Condé, sans être le favori de ce scrutin, a pu le remporter au second tour à la surprise générale. Même si son adversaire, à qui le premier tour avait largement profité avec 43,69% n’avait que ses yeux pour constater le renversement inattendu de la situation.

Après les élections de 1993 et 1998, Condé va finalement remporter celle de 2010. Son arrivée au pouvoir suscite donc beaucoup d’espoir et à juste titre. Opposant, Alpha Condé fut emprisonné à maintes reprises de façon injuste et abusive. Il fut arrêté en 1998 pour rébellion et emprisonné pendant presque deux ans ; et en 2000, il écope de 5 ans de prison pour atteinte à la sûreté de l’Etat. Ses nombreuses incarcérations devraient normalement permettre à l’homme de redresser son pays en évitant de verser dans l’abus et la « démon-cratie ». Quel gâchis, aura-t-on envie de lancer.

A l’œuvre on a fini par connaître l’artisan qu’est le président Alpha Condé. Comme nombre de ses pairs, le magnanime et longanime opposant deviendra l’exact contraire de ce qu’il montrait et prônait. Même si des efforts sont consentis sur le plan économique, la situation reste globalement insatisfaisante. En 2012 déjà, la Banque mondiale annonçait que 55,2% de la population vivent en dessous du seuil de la pauvreté. Depuis lors, aucune avancée significative ne peut être notée.

Là où le président Condé a le plus déçu, ce n’est pas sur le sentier économique mais plutôt la question relative à la promotion de l’Etat de droit et à la préservation de la démocratie. Après les épreuves qu’il a subies en tant qu’opposant, l’actuel président n’avait pas le droit de répéter les mêmes erreurs que ses prédécesseurs. Or, depuis quelques semaines, son pays est à feu et à sang. Une situation dont il est le plus grand comptable du fait de son désir qu’il ne cache plus : le 3ème mandat. Comme son voisin du Sénégal, le président Wade en 2012, Condé fait face à des manifestations qu’ils considèrent comme « une brise » (boutade de Wade avant le 23 juin 2011).

Son jeu si flou enveloppé dans une ferme volonté de modifier la constitution afin d’obtenir un troisième bail de son peuple, a favorisé l’éclatement de la colère des protestations. Depuis le début du mois de novembre 2019, on dénombre plus d’une dizaine de morts et des centaines d’arrestations. Aucune initiative allant dans le sens d’apaiser les cœurs et de restaurer la cohésion sociale n’est prise par les tenants du pouvoir qui n’ont d’yeux que le troisième mandat. A tout prix ! Au prix de leurs vies, peut-être ! Au prix e la vie de leur beau et innocent peuple, certainement !

Pour ce beau peuple, personne n’a le droit de rester insensible à ses vociférations. Il mérite plus que ce que leur offre le sort depuis 1958. Ce beau peuple de la Guinée manque de beaucoup alors qu’il a tout. Le paradoxe est que ce pays qui s’est libéré des jonctions coloniales est toujours maintenu dans des goulots d’étranglement, même après l’indépendance.

Par Ababacar Gaye/SeneNews

kagaye@senenews.com



Guinée Nondi, tout ce qui est information de qualité est notre