La construction de l’identité politique dans la conquête et l’exercice du pouvoir en Guinée : Une analyse de Sory KOUROUMA (ACTE II)

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 Il y a quelques jours, nous avons publié la première partie de l’analyse sur la construction de l’identité en Guinée. Une analyse réalisée par Sory Kourouma, dans la première partie, l’auteur avait  touché du doigt l’Ethnicité et l’Identité politique en Guinée. Dans cette seconde phase, il met en relief la démocratie comme étant une histoire et réalité.

« Les principes de la démocratie se reposent sur l’alternance de la magistrature suprême, l’État de droit, la séparation des pouvoirs et son application, le pluralisme démocratique, le gouvernement et l’opposition, l’opinion publique, la liberté des médias, etc. » 

Démocratie : Le mot démocratie a une histoire et une réalité ?

Tout au long de la journée, le concept démocratie fait l’objet des discussions dans nos espaces de vie (résidences, bureaux, bars-café, transports en communs, milieux scolaires et universitaires, les salles de sports, etc.). La plupart de ces échanges sont basés sur la manière de la conquête du pouvoir, promesses électorales et l’exercice de la fonction d’élu. Dans la démocratie, les élections ne sont-elles pas apparues magiques pour l’Afrique ? Car, les origines proviennent de la Grèce antique en passant par la Rome antique, de l’époque médiévale au siècle des lumières, etc. Cette démocratie a connu une longue procédure avant de devenir celle que nous connaissons aujourd’hui. En effet, la démocratie athénienne est tout à fait différente des démocraties modernes et ne s’est pas instaurée en un seul jour. L’implantation d’un régime politique où la majorité des citoyens peut participer à la prise de décision était inédite dans le monde grec.

Cependant, la démocratie en tant que régime politique se distingue de l’aristocratie, de la monarchie ou de la dictature. Dans le langage courant ce système de gouvernance est « le gouvernement du peuple, par le peuple, et pour le peuple » (Abraham LINCOLN). Pour être plus précis, nous pourrons dire que, dans un système démocratique, le pouvoir émanant du peuple, est exercé par le peuple, et en vue de ses propres intérêts. En d’autres termes, la démocratie est un processus d’égalisation des conditions de vie qui se traduit par une mobilité sociale et une tendance à l’homogénéisation de la population (A. De Tocqueville).

À travers ces définitions, pouvons-nous dire que la Guinée est un pays démocratique ou en voie d’une démocratisation très complexe ?

Les principes de la démocratie se reposent sur l’alternance de la magistrature suprême, l’État de droit, la séparation des pouvoirs et son application, le pluralisme démocratique, le gouvernement et l’opposition, l’opinion publique, la liberté des médias, etc. 

Lire aussi: la-construction de l’identité politique dans la conquête et l’exercice du pouvoir en Guinée: Une analyse de Sory Kourouma (Acte I)

Notre article s’intéresse sur le contexte guinéen, donc, nous admettons que le principe de démocratie portant sur le gouvernement et de l’opposition reste un champ d’étude pertinent dans les sciences politiques. Tout régime démocratique implique, selon le courant politique, la présence de forces d’opposition. Les études sur la démocratie et ses composantes restent donc intrinsèquement liée à des études de l’opposition. Selon Nathalie BRACK et Sharon WEIBLUM, toutes deux assistantes en sciences politiques à l’université Libre de Bruxelles et membre du Cevipol (Centre d’Étude de la Vie Politique) définissent l’opposition politique comme des poids et contrepoids, aux conflits institutionnalisés ou encore aux partis minoritaires, la littérature fournit des définitions variées et parfois floues de l’opposition. Dans un sens large, l’opposition politique a été mobilisée pour se référer à une position « de désaccord vis-à-vis de quelqu’un d’autre », à savoir, le gouvernement. Ainsi Dahl (1973 : 13) a suggéré qu’une opposition existe lorsque « B s’oppose au comportement d’un gouvernement A » tandis que Lonescu et de Madariaga (1968 :83) ont défini l’opposition comme « la contrepartie dialectique du pouvoir […] logiquement et morphologiquement».

En d’autres termes, l’opposition politique est un parti ou un ensemble de partis unis dans une perspective de conquête du pouvoir politique (Georges Vedel). A travers cette définition, peut-on qualifier l’opposition guinéenne d’opposants politiques ? Le manque de cohésion sociale est caractéristique des partis qui la compose. Pour ne pas être naïf, la majorité des partis d’opposition sont à caractère ethnique, communautaire ou des groupes d’intérêt sans véritables stratégies pour contrer le pouvoir en place. En conséquence, nous remarquons que les personnes neutres de toutes colorations politiques ou communautaristes sont victimes parfois des insultes ou des accusations sur les réseaux sociaux, les forums, les émissions télévisées,… pour la simple raison qu’elles ont pour patronyme DIALLO, TOURE, SOUMAH, KAMANOH, KOUYATE, KEIRA, CONDE, SOW, etc.

En outre, le code conduit entre majorité et opposition serait cependant, la concurrence en vue de la conquête du pouvoir légalement, la tolérance dans son exercice et l’alternance. La présence d’une opposition forte et unie garantit le dialogue de points de vue corrélés par des controverses « utiles » pour le pays. Je dis bien utile. En tenant compte des actions du gouvernement et non la personnalisation de l’institution.

En Guinée, l’opposition ne fait pas ou presque de distinction entre la personne en tant qu’un individu et l’institution que ladite personne représente. De plus, la majorité des leaders des partis de l’opposition guinéenne de nos jours sont des anciens ministres dont les résultats ont été insuffisants face aux attentes de leur employeur et du peuple de Guinée. Le témoignage de l’ancien ministre de l’unité nationale et de la citoyenneté aux QG de RPG-Arc-en-ciel et de l’UFDG illustre bien dans quel contexte certains partis ont été créés en République de Guinée : « Si demain, le président de la République décide de m’enlever, contrairement à la tradition nationale d’ailleurs, je vous assure que je ne serai pas son opposant, j’irai ailleurs pour faire un autre travail ». Dans ce contexte, il me semble difficile de considérer ces Hommes politiques qui se réclament étant des opposant-e-s du président CONDÉ et le gouvernement d’Ibrahim Kasory FOFANA. Parce qu’on ne devient pas un adversaire politique quand on n’est plus aux affaires (ministre) ou on souhaite protéger les biens mal acquis.

Être opposant, il s’agit de faire la promotion des projets de sociétés concrète et réalisable dans le temps. Avoir le goût de l’intérêt pour tous, le respect des engagements (politiques et sociales), la fidélité, le pardon, le désir de partage,…

Le manque de technicité des opposants guinéens en matière de politique occasionne parfois le pouvoir, le rejet ou le refus de leur point de vue. Dans la majorité des cas, nous observons que l’individu « je » qui est visé et non l’institution elle-même dans sa globalité. Comme le note un leader politique au micro de Guinée live : « Alpha CONDÉ ne mérite pas la Guinée, il n’a qu’à aller chez lui […]. Nous, nous sommes Guinéens, parce que, moi, je peux montrer les tombes de mes grands-parents. Mais Alpha Condé ne peut pas montrer la tombe de son père. Je peux montrer la tombe de ma mère, mais Alpha Condé ne peut pas montrer la tombe de sa mère […]. Selon la constitution, pour se porter candidat à la magistrature suprême de la république en Guinée, il faut être de nationalité guinéenne, être âgé d’au moins trente-cinq ans, être en bonne santé et jouir de ses droits civils et politiques. Que vous connaissiez votre arbre généalogie ou pas cela n’affectera pas votre candidature.

Pour plus d’efficacité, l’opposition doit jouir de droit parlementaire et en aucun cas le gouvernement central doit toucher les organes juridiques de façon spontanée. A seule condition que cette révision constitutionnelle présente une nécessité pour le pays dans son ensemble. Et si cela arrive, les opposants politiques ont le droit d’interpeller le parti majoritaire et d’émettre ses critiques avant de sacrifier les vies humaines (mineurs) au nom de la démocratie pour paralyser non seulement les activités socio-économiques mais aussi calciner le peu d’infrastructures que le pays dispose, faire fuir les investisseurs, donner une mauvaise image à la Guinée, et du Guinéen etc.

 Pour justifier cela, je vous invite à taper le 28 septembre sur une barre de recherche de votre choix, vous aurez plus de renseignements sur le 28 septembre 2009 que celle  du 28 septembre 1958. Et pourtant, le 28 septembre 1958 représente une date plus importante dans l’histoire de notre pays. A cette date, la Guinée a été le seul pays parmi des pays d’Afrique française à dire « non » à la proposition du Général De Gaule, c’est-à-dire la France. Ce qui est pitoyable, c’est de voir les personnes supposées représenter un parti politique dire ceci : « je suis choqué, je suis révolté de savoir que la fête de l’indépendance, bien qu’elle soit solennelle, se déroulera au stade du 28 septembre, un endroit où des guinéens ont perdu la vie. J’estime pour ma part que cette décision est une insulte à toutes les victimes des massacres du septembre 2009 ». Par ce passage, nous partons de l’hypothèse selon laquelle les organisateurs de ladite manifestation à cette date aussi importante avaient pour ambition de salir le travail courageux des pères fondateurs de l’indépendance de la République de Guinée.

 Il est nécessaire alors de mettre en place des organes juridiques et sociaux où chacun se voit représenter de manière équitable. Pour entrer en détail, l’opposition doit avoir accès aux médias pour présenter son programme au même titre que le gouvernement. Malgré la présence de normes d’impartialité, l’équité entre ces deux entités n’est possible que si les deux parties s’engagent à respecter et à faire appliquer les principes fondamentaux de la démocratie et manifestent leur volonté d’agir pour l’intérêt supérieur de la République.

Je conclue cette partie par la définition suivante : la démocratie est un système politique où chacun doit pouvoir librement exercer sa parole et la mêler à la parole collective et/ou publique, aux discours contradictoires ou convergents, qui fondent par la négociation ouverte et perpétuelle la vie sociale et ses modalités (P. BLANCHET, 2016 : 35). 

La suite dans nos prochaines publications

Sory KOUROUMA

sorykourouma@yahoo.fr 

Monsieur KOUROUMA est titulaire d’un Master en Sciences humaines, Mention Sociologie, Parcours de Recherche et Expertise obtenu à l’Université Rennes 2 avec mention Assez-bien en 2018.

Références bibliographiques

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2. Bulmer M. “The ethnic group question in the 1991 Census of population”, in D.Coleman et J.Salt (éd.), Ethnicity in the 1991 Census, vol. 1, p.33-62. – Londres, OPCS et HMSO, 1996.

3. Gabriel Gosselin, « Pour une ethnicité citoyenne », Cahiers internationaux de sociologie 2001/1 (n° 110), p. 121-130. DOI 10.3917/cis.110.0121, https://www.cairn.info/revue-cahiers-internationaux-desociologie-2001-1-page-121.htm

4. Chevallier Jacques (dir.), L’identité politique, coll. « Publications du CURAPP », 1994 ; http://www.persee.fr/docAsPDF/dreso_0769-3362_1996_num_34_1_1727.pdf

5. Origines de la démocratie : d’Athènes à aujourd’hui,  http://www.paricilademocratie.com/approfondir/pouvoirs-et-democratie/1434-origines-de-la-democratie-d-athenes-a-aujourd-hui

6. Nathalie BRACK et Sharon WEIBLUM, Pour une approche renouvelée de l’opposition politique, Revue internationale de politique comparée, 2011/2 (Vol. 18). https://www.cairn.info/revue-internationale-de-politique-comparee-2011-2-page-13.htm#no1

7. Violences postélectorales : Les vérités crues de Gassama DIABY aux militants du RPG, 10 février 2018 https://guineenews.org/violences-post-electorales-les-verites-crues-de-gassama-diaby-aux-militants-du-rpg/ 

8. Guinée LIVE, Alpha Condé est Burkinabé : Jean Marck TELLIANO dans les locaux de la gendarmerie, 12 mars 2013. http://guineelive.com/2013/03/12/alpha-conde-est-burkinabe-jean-marck-telliano-dans-les-locaux-de-la-gendarmerie/

9. Patrick QUANTIN, La démocratie en Afrique à la recherche d’un modèle. http://www.cairn.info/revue-pouvoirs-2009-2-page-65.htm

10. Nelson Mandela cité par George Ayittey, in « La démocratie en Afrique précoloniale », Afrique 2000, nº 2, juillet 1990, p. 39.

11. André Lewin, « Jacques Foccart et Ahmed Sékou Touré », Les Cahiers du Centre de Recherches Historiques [En ligne], 30 | 2002, mis en ligne le 22 novembre 2008, consulté le 18 février 2018. URL : http://journals.openedition.org/ccrh/712#authors

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13. Bayart (J.-F.), L’État en Afrique. La politique du ventre, Paris, Fayard, 2006 (nouvelle édition augmentée), et « Africa in the World : A History of Extraversion », African Affairs, 99 (395), 2000.

14. Marco MARTINIELLO, L’ethnicité dans les sciences sociales contemporaines, Paris, PUF. 11 novembre 2015

15. Dama Camara, le proviseur du lycée-collège de Kaporo, Manifestations de l’opposition lundi à Conakry: Perturbation des cours dans 107 écoles de la commune de Ratoma. https://mosaiqueguinee.com/2015/05/06/manifestations-de-lopposition-lundi-a-conakry-perturbation-des-cours-dans-107-ecoles-de-la-commune-de-ratoma/

16. François Soudan, Directeur de la rédaction de Jeune Afrique. Une fois encore, la Guinée est en proie à une vague de violences post électorales, aux lendemains du scrutin du 4 février dernier. Comment faut-il comprendre ces poussées récurrentes ? Le 12 février 2018 à 12h43.

http://www.jeuneafrique.com/mag/529509/politique/elections-en-guinee%e2%80%89-la-rue-contre-les-urnes/

17. Dérives graves des coordinations régionales : Laye Junior Condé appelle à leur dissolution,

Dérives graves des coordinations régionales : Laye Junior Condé appelle à leur dissolution
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18. Georges Sarre, Communautarisme, 6 mai 2003, http://atheisme.free.fr/Citations/Communautarisme.htm

19. Marie-Christine STECKEL, Le Conseil constitutionnel et l’alternance, LGDJ, collection Bibliothèque constitutionnelle et de science politique, Tome 106, 2002, 398 p.

20. Léo HAMON, « Nécessité et condition de l’alternance », Pouvoirs, n° 1, 1977, p. 19

21. Barry, A. A. B., Les violences collectives en Afrique: Le cas Guinéen, Paris, L’ Harmattan, (juillet 2000), P.151



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