L’ARTICLE 114 DU CODE ÉLECTORAL UNE MONSTRUOSITÉ JURIDIQUE INACCEPTABLE

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La Constitution guinéenne est un ensemble de textes juridiques composés de droits fondamentaux permettant de réguler le bon fonctionnement de notre société et de définir les différents pouvoirs. Autrement dit, une sorte de balise pour la régulation de la société. Sur ce, votre rédaction a jeté un regard sur l’un des articles de cette constitution, en l’occurrence l’article 114 de la loi organique

L’article 114 de la Loi organique L2017/039/AN du 24 Février 2017, portant code électoral révisé, dispose « Le contentieux qui peut naitre à l’occasion des élections communales est soumis au tribunal de première instance du ressort, qui statue dans les trois jours à compter de l’expiration du délai de quarante huit heures fixées à l’article précédent. Le jugement du tribunal de première instance qui n’est susceptible d’aucun recours est notifié aux parties intéressées et transmis au président de la CENI »

Nous contesterons ici juridiquement et philosophiquement cette disposition.

I-LES ARGUMENTS PHILOSOPHIQUES

Un juge unique, nommé, seul dans son coin, (la décision du tribunal de première instance ici, est une ordonnance, c’est-à-dire une décision prise par un seul et unique juge), a-t-il le droit de jouir d’une souveraineté si absolue ? Le fait pour un juge unique, de savoir au préalable que sa décision, est insusceptible de recours, ne constitue-t-il pas un visa, un permis, un boulevard, pour le juge d’abuser de son pouvoir ?

La société doit-elle octroyer un tel pouvoir absolu à un juge unique, nommé, si intègre soit-il, nous Nouspensons que NON.
Nous ne pouvons concevoir un système juridique dans lequel, une ordonnance (la décision d’un seul et unique juge) serait définitive, irrévocable, et exécutoire. Nous ne pouvons mettre entre les mains d’un seul homme, un pouvoir si étendu, si absolu, sauf le jour ou notre pays ne sera peuplé que de philosophes, et d’honnêtes gens.

Le juge doit être placé en position de réaliser nos droits, et non pas dans une position de technicien, de mécanicien des pouvoirs législatif et exécutif

L’existence d’une voie de recours (la possibilité de contester la décision du juge), permet d’une part, de signifier au juge, qu’il n’est pas tout puissant, et d’autre part, de protéger les citoyens contre les erreurs et l’arbitraire du juge.

II-SUR LES ASPECTS JURIDIQUES

Tout le monde a entendu notre ministre de la justice soutenir que « la loi, c’est la loi », qu’il n’y a pas de recours possible », « la CENI ne peut plus revenir en arrière ». Retenez pour toujours, qu’à chaque fois qu’une personne convoque la locution latine « Dura lex sed lex(la loi est dure mais c’est la loi) », ce qu’elle est convaincue d’être du bon coté, trouve un avantage au détriment d’autrui dans une procédure. C’est pourquoi, vous n’entendrez jamais notre ministre de la justice, dire « la loi c’est la loi » s’agissant du respect du délai de proclamation des résultats, car sur ce terrain là, « la loi, c’est la loi », n’est pas de son avantage, donc il ne dira rien de tel sur le non respect de ce délai.

LES FAITS

Les élections communales se sont déroulées, il y a eu des irrégularités, celles-ci ont été portées devant le juge, le juge a pris une décision de validation, et la CENI a proclamé les résultats comme cela lui incombe.
L’opposition peut-elle contester la décision du juge ?

Traditionnellement, si toute décision rendue en première instance ne peut être contestée par la voie d’appel, toute décision rendue en première instance, ou en appel peut être contestée par le biais d’un pourvoi en cassation (Cour suprême, Cour de cassation…).

Ainsi, les partis d’opposition auraient pu, même en l’absence de texte, contester devant la Cour suprême la décision rendue en première instance dans le cadre des élections communales.

QUELLE EST LA NATURE DE L’ARTICLE 114 ?

Il s’agit d’une loi organique, c’est-à-dire une sorte de super loi, supérieure aux lois ordinaires. Une loi organique avant sa promulgation, passe une sorte d’expertise constitutionnelle devant le juge constitutionnel, pour obtenir le tampon, le cachet de constitutionnalité, autrement dit, le juge doit confirmer la constitutionnalité de la loi organique avant sa promulgation par le président de la république.

UNE LOI JUGÉE CONFORME A LA CONSTITUTION ET POURTANT INCONSTITUTIONNELLE

Nous pensons que l’article 114 de la loi organique jugée conforme à la Constitution, est contraire à celle-ci.

Pour étayer notre affirmation, nous allons exhumer notre constitution.

L’article 9 al.2 de la Constitution dispose que tous les citoyens «ont le droit imprescriptible de s’adresser au juge pour faire valoir leurs droits face à l’État et ses préposés »
Cette disposition s’interprète comme consacrant le droit à « l’accès au juge », c’est-à-dire, le droit d’exercer une action en justice, donc d’être entendu par un juge.

Mais le droit d’action ne peut être effectif sans son accessoire qu’est le droit à une voie de recours, c’est-à-dire à contester la décision rendue après l’exercice du droit d’action, c’est-à-dire du premier droit, du droit principal. La voie de recours est une conséquence, un accessoire qui vient se greffer sur le droit principal qu’est le droit à l’accès au juge.

En outre, l’article 9 al.4 de la Constitution dispose « Tous ont droit à un procès juste et équitable, dans lequel le droit de se défendre est garanti ».

Comment comprendre le droit « à un procès juste », le droit « à un procès équitable », les « droits de la défense », si les justiciables sont privés d’une voie d’appel et de cassation ?
Le procès équitable implique que le justiciable ayant perdu en première instance, puisse bénéficier d’un réexamen de l’affaire (voie d’appel), ou d’un jugement des jugements des premiers juges (pourvoi en cassation).

L’accès au juge implique non seulement la possibilité de voir sa prétention examinée par un juge, mais aussi, la possibilité d’exercer un recours contre la solution retenue par ce premier juge (jugement, arrêt, décision).

Enfin, tous les textes auxquels renvoie le préambule de notre constitution (Déclaration universelle des droits de l’homme, Charte africaine, Pactes internationaux…) consacrent les notions de « recours effectif au juge », le droit à un « procès équitable », « juste », les « droits de la défense ».

CONCLUSION

Nos députés ont voté une loi inconstitutionnelle,
Nos juges de la Cour constitutionnelle ont validé une loi inconstitutionnelle,
Et notre président à promulgué une loi inconstitutionnelle.

Qui a perdu ? Le peuple. La Constitution a été violée, et c’est elle l’arbitre entre nous et les dirigeants, c’est elle qui les empêche de nous réduire en esclavage, mais si elle est fracassée par les élites parlementaire et gouvernementale, alors nous devenons entre leurs mains, au mieux des jouets, au pire des esclaves.

Ceux qui demandent l’application de la loi ressemblent à des personnes se trouvant déjà dans le fond d’un trou, et ne sachant pas comment remonter, continuent de creuser toujours plus profond, à chaque fois qu’ils arrivent au fond, ils creusent encore, et encore, comme si la sortie se trouverait par le fond. Alors continuez à creuser, bientôt vous verrez la lumière du jour.

Cette disposition doit être abrogée, soit, expressément par une nouvelle disposition qui pourrait s’intituler « L’article 114 est abrogée », ou « L’article 114 est ainsi modifié… », Soit, tacitement, par l’adoption d’une nouvelle disposition incompatible avec l’article 114 du code électoral révisé. »



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