Pourquoi je suis pour le maintien des coordinations régionales

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Nombre de Guinéens, soucieux de la préservation de l’unité nationale, proposent la dissolution des coordinations régionales. Reconnaissons qu’il y a peu de motifs à leur opposer tant les dernières années ont été marquées par une immixtion de plus en plus délétère des coordinations régionales dans la conduite et la pratique du pouvoir en Guinée. Il en a résulté une série de dérives qui risque de miner la cohésion nationale. Néanmoins, ce n’est pas parce que les coordinations régionales dérapent çà et là, qu’il faudra les dissoudre. Si tout ce qui ne marchait pas bien en Guinée devait être dissout, grand-chose ne résistera.

Les coordinations régionales sont des structures à caractère apolitique, basée sur l’appartenance régionale ou ethnique dans le but d’un développement socio-économique harmonieux des régions concernées. Et plus généralement, ces organisations sont censées raffermir les liens de fraternité avec d’autres Guinéens d’autres régions afin de bâtir une nation prospère. Si tel est le cas, la seule démarche qui vaille à mon sens, c’est dénoncer des représentants de ces organisations qui dévoient leur travail quand ils défendent des intérêts catégoriels antagonistes à l’intérêt général, quand ils se laissent instrumentalisés pour des partis politiques, quand ils obstruent le chemin de la justice en défendant l’un des leurs au mépris du respect de la loi, quand ils jouent le jeu dangereux de la victimisation ethnique ou encore quand ils cautionnent ou tiennent des propos d’exclusion et discrimination….

Ne jetons pas le bébé avec l’eau du bain car l’idée de s’organiser même sur une base régionale voire ethnique n’est pas en soi mauvaise tant que les limites du vivre-ensemble ne sont pas mises en danger. La Guinée est un pays multiethnique et il ne viendra à l’idée de personne de refuser l’expression de cette altérité. L’histoire et la géographie structurent notre nation, certes encore imparfaite, dans cette diversité heureuse.

Les leaders politiques et les représentants de ces organisations doivent se garder de l’instrumentisation politique et ethnique pour éviter la sclérose de ces structures sociales, garantes d’un certain équilibre de notre société en complément des institutions démocratiques. De ce point de vue, les coordinations régionales ont toute leur place dans notre pays. Et ce, pour bien des raisons. Leur intérêt premier réside dans leurs capacités à mobiliser les ressources humaines et économiques pour le développement des territoires. Ces réponses de proximité doivent être un appoint au travail plus structurel de l’Etat central. L’autre avantage des coordinations régionales est lié à la place importante qu’y ont notre culture et les moyens traditionnels de résolution des différends sociaux. Si elles jouaient toujours leur rôle, elles seraient un levier intéressant pour dénouer maintes crises dans un pays en proie à des convulsions régulières. Parfois dans nos sociétés en apprentissage de la démocratie, on est plus sensible à la parole d’un patriarche qu’à une circulaire d’un préfet, surtout si celui-ci est perçu comme étant du camp adverse.

Nous sommes à un moment charnière de notre histoire politique car notre maison se craquèle chaque jour que Dieu fait. Les dérives des coordinations régionales sont un symptôme supplémentaire de la fragilisation du tissu social et de la politisation à outrance de notre vie publique. Aucun bastion n’est épargné y compris des sphères sanctuarisées comme l’école, l’armée et maintenant nos liens de voisinage et de parentés. Nous serions très inspirés de préserver ces derniers qui font le lien et le liant entre nos communautés.

Nos sages, imams, prêtres et patriarches savent se respecter, se parlent, marient leurs enfants ensemble dans le respect de nos différences de langue et de coutumes. Préservons tout cela pour nous et pour nos descendants au lieu de nous fourvoyer dans des logiques de courte de vue et d’intérêts ethniques.

La pertinence des coordinations régionales en Guinée n’est pas en jeu. Au contraire. Le problème est davantage moral et comportemental car ce serait triste de voir ces instances dissoutes à cause d’un manque de vision et de clairvoyance de leurs responsables et de leurs nombreux relais politiques au lieu de songer à en améliorer le fonctionnement et à recentrer les objectifs de coexistence pacifique avec les autres communautés et de promotion des régions. Ce n’est pas en cassant le thermomètre qu’on fait baisser la fièvre. Cet aphorisme populaire doit nous interpeller sur les choix à effectuer.

Sayon Dambélé, dambelesayon@yahoo.fr

 



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