« Les artistes ne doivent plus mendier pour vivre ou d’être célébrés après leurs trépas, il faut doter le pays des industries culturelles créatrices de valeur » Par Ibrahima Sanoh

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 Les artistes chantent, on achète pas leurs musiques. Ils ne peuvent pas vivre de leurs passions. Ils ne peuvent pas s’acheter une voiture alors qu’ils font danser et amuser les milliers de gens.  Quelqu’un par pitié doit leur donner une voiture et payer leurs loyers. Quand ils meurent, les larmes hypocrites sont versées par les gens qui, souvent,  n’ont jamais pensé le bien d’eux.  Ils les  prenaient  pour des ratés et fainéants.

Quand les écrivains écrivent, on achète pas leurs œuvres. On ne les lit pas. On ne leur paie pas leurs droits d’auteur même pas pour un centime. Quelqu’un doit avoir  pitié d’eux pour leur donner des vestes, des cravates et aussi quelques billets de banque. Ils doivent  dire :  » Je suis écrivain, j’ai écrit ceci ou cela « .  Il n’existe pas de distinctions et de critiques littéraires, pas de critiques artistiques,  dans notre pays – il faudra questionner la raison d’être de nos facultés de lettres et d’art -,  chaque artiste  doit parler de lui-même et avoir une fière opinion de ce qu’il fait. Qu’il ne fasse bien ou non, cela ne compte pas. Nul ne saura juger son art.  Alors, on lui dit :  » Donne-moi un exemplaire de ton dernier livre. » Peut-il le donner à tous ? Doit-il le faire ? Indigne est le mot.  On télécharge  ses productions et le fait écouter dans  les stations de radios  sans lui verser  le moindre  sou. Tout le monde écoute sa musique à la production de laquelle on ne participe jamais.  Peut-être faudrait-il qu’ils entrevoient des crowdfunding (financements participatifs) pour produire leurs musiques et vidéos.

Celui qui crée, réfléchit est tenu dans  l’abaissement dans  ce pays. Pour vivre, il doit louer. Alors, certains artistes ne chantent  plus, ils louent  les possédants. Ils doivent le faire pour fuir  le triste destin qui est le leur. C’est aussi triste que cela ne change pas leurs conditions.  Au lieu de créer, de s’élever par l’art, ils chantent  pour se faire plaire  et avoir de quoi se nourrir pour quelques mois. Voilà qu’ils ne peuvent plus réaliser leur plein potentiel, qui se fane.   C’est leur première mort : celle artistique. La finitude de leurs arts.

J’appelle aux états généraux de  la culture dans  ce pays. Cela aura pour effet de poser le vrai diagnostic, de mettre le doigt sur les forces, les faiblesses, les menaces et opportunités du secteur. Aussi de pousser la réflexion sur comment doter notre pays des industries culturelles  créatrices de valeur.

Les artistes ne doivent plus mendier pour vivre ou se faire soigner. D’être célébrés après leurs trépas. Les plus grands d’entre eux méritent d’être béatifiés.  Les petites réformes prises ici et là ne suffisent pas. Libérons la parole. La culture  est un levier  de la croissance économique. Les artistes  peuvent vivre de leurs arts, la Guinée peut faire de la culture un puissant  vecteur  de son  rayonnement international et d’attraction des touristes. Je crois profondément  à cette idée d’autant plus que notre  pays l’a réussi par le passé.  Ceux qui créent, sans me faire passer pour leur avocat, sont  las  des aumônes.  Ils doivent vivre de leurs arts et passions.  L’Etat de Guinée ne peut pas créer le bonheur pour tous , mais il doit permettre à chacun d’augmenter ses palettes de choix  en lui permettant de vivre de ce qu’il sait faire le mieux.

Ibrahima Sanoh Activiste



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