Quand La Question De La Légalité De L’état D’urgence Décrété Par Le Président Alpha Condé Ce 26 Mars Se Pose. Garanké Bah.

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Le président Alpha Condé a décrété l’état d’urgence ce 26 mars 2020 pour combattre la COVID-19. Mais la question de la légalité de cette mesure reste posée, car selon la constitution guinéenne le recours à l’état d’urgence n’est possible que pour une période de douze jours et sa prorogation est encadrée par l’Assemblée Nationale.

Ce 26 mars le président Alpha Condé a déclaré l’état d’urgence pour faire face à la COVID-19. Cette décision intervient seulement trois jours après le double scrutin tenu le 22 mars dans le pays pour renouveler l’Assemblée Nationale et pour doter le pays d’une nouvelle constitution proposée par le président Alpha Condé; ce double scrutin est perçu par la société civile, les partis politiques de l’opposition et une partie de la  population qui sont regroupés au sein du Front National pour la Défense de la Constitution (FNDC) comme un coup d’État constitutionnel organisé par le président Alpha Condé qui chercherait à se maintenir au pouvoir au-delà de son dernier mandat, Et ce double scrutin a été émaillé des scènes de violence avec plusieurs Guinéens tués et un usage disproportionné de la force par les forces de défense et de sécurité.

Alors que les résultats des élections législatives ne sont que partiellement connus, la Commission Électorale Nationale Indépendante (CENI) a déjà annoncé les résultats provisoires du référendum avec la victoire du “Oui” à 91.59 %. On sait que bien avant cette annonce, le Front National pour la Défense de la Constitution (FNDC) avait prévenu déjà qu’il ne reconnaîtra ni la constitution ni aucune institution issue de ce double scrutin. Il continue à appeler la population à résister à ce coup d’État constitutionnel, c’est dans ce contexte que le président Alpha Condé a déclaré ce 26 mars que : « L’État d’urgence est déclaré sur toute l’étendue du territoire national à partir de ce soir, à 00H précise pour une durée d’un mois reconductible, conformément aux dispositions constitutionnelles. » Cette déclaration suscite plusieurs interrogations. On est en droit de se demander si le président Alpha Condé n’aurait pas pu évoquer l’état d’urgence sanitaire comme ce fut le cas durant la crise de l’épidémie à virus ébola au lieu de déclarer l’état d’urgence qui octroie plus de pouvoir au président de la République ? 

En effet, l’article 90 de la constitution du 7 mai 2010 qui semble être  invoqué pour prendre cette décision dispose que : « L’état de siège, comme l’état d’urgence, est décrété par le Président de la République, après avis du Président de l’Assemblée Nationale et du Président de la Cour Constitutionnelle. Ces avis sont publiés au Journal Officiel.

Le Président de la République peut prendre, par Ordonnance, toute mesure nécessaire à la défense de l’intégrité du territoire et au rétablissement ou au maintien de l’ordre public. L’Assemblée Nationale se réunit alors de plein droit, si elle n’est pas en session. Elle ne peut être dissoute.

Le décret proclamant l’état de siège ou l’état d’urgence cesse d’être en vigueur après douze jours, à moins que l’Assemblée Nationale, saisie par le Président de la République, n’en autorise la prorogation pour un délai qu’elle fixe.

Les Ordonnances prises en application de l’état de siège et de l’état d’urgence cessent d’être en vigueur à la fin de ceux-ci. »

Il ressort de la lecture de cette disposition que : « l’état d’urgence cesse d’être en vigueur après douze jours, à moins que l’Assemblée Nationale, saisie par le Président de la République, n’en autorise la prorogation pour un délai qu’elle fixe. »

En conséquence, évoquer l’état d’urgence pour une période d’un mois reconductible est manifestement en violation des dispositions constitutionnelles sur lesquelles cette déclaration s’appuie même si ces dispositions ne sont pas clairement identifiées dans cette déclaration. Il faut se rappeler que le recours à l’état d’urgence n’est possible que pour une courte période et sa prorogation est encadrée par l’Assemblée Nationale.

Vu le contexte de crise politique qui prévaut actuellement dans le pays avec une contestation populaire et politique qui ne faiblit pas contre le projet de nouvelle constitution, il est à craindre un détournement des pouvoirs que confère l’état d’urgence au Président de la République qui en vertu de l’article 90 « peut prendre, par Ordonnance, toute mesure nécessaire à la défense de l’intégrité du territoire et au rétablissement ou au maintien de l’ordre public. » En tout état de cause cette déclaration de l’état d’urgence ne doit pas cacher une volonté de canaliser et ou de contenir toute contestation du double scrutin du 22 mars 2020.

Les efforts du gouvernement doivent être concrets et essentiellement  concentrés à contrer la pandémie de la COVID-19 et non être un instrument sur lequel le pouvoir va s’appuyer pour canaliser toute opposition à l’entrée en vigueur de la nouvelle constitution et la mise en place des institutions qui vont dériver de cette constitution dont l’organisation et l’adoption sont rejetées par le FNDC. La stratégie de lutte contre la COVID-19 doit être exercée uniquement pour endiguer cette pandémie. 

Garanké Bah



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