Acte II, de la transparence des élections en Guinée: les présidentielles de 2015 étaient-elles transparentes

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L’élection est considérée comme étant un moyen légitime d’accéder au pouvoir. Elle permet ainsi à la personne élue d’être considérée « par tous comme un représentant légitime ». Dans ce cas, elle devient à la fois une valeur démocratique sûre, mais aussi une « pourvoyeuse de légitimité ».

En 2015, les guinéens se sont rendus aux urnes pour élire leur président, à l’issue du scrutin, Alpha Condé avait remporté les élections  dès le premier avec 2 285 827 soit 57,85 % face à  Cellou Dalein Diallo  qui avait obtenu 1 243 362 soit 31,44 %. L’on se rappelle encore du Discours de Bakary Fofana « Conformément à l’article 32 de la Constitution qui stipule :  » Est élu le candidat qui a obtenu la majorité absolue des suffrages exprimés « , en attendant la proclamation définitive de ces résultats par la Cour constitutionnelle, la Céni proclame le professeur Alpha Condé élu dès le premier tour de l’élection présidentielle du 11 octobre 2015. Que le Bon Dieu répande sa miséricorde sur la Guinée. Je vous remercie».

Ce coup KO comme l’appelait le camp présidentiel était-il transparent ? Notre rédaction a tenté de répondre à cette question. Sur la base des résultats de notre enquête,  ces élections seraient les plus truquées de l’histoire démocratique de la Guinée.

Alpha Condé avait déjà gagné les élections avant même le jour du scrutin à travers des mécanismes très subtiles  de fraudes mis en place par le gouvernement en connivence avec la CENI. Et  les dysfonctionnements existaient à tous les niveaux.

Le premier dysfonctionnement est lié aux chiffres. Selon le décret D/2015/999/PRG/SGG portant publication des résultats définitifs du troisième recensement général de la population et de l’habitation, réalisé du 1er Mars au 02 Avril 2014, signé par le PRAC le 31 décembre 2015 : Notre rédaction a relevé  plusieurs incohérences dans ce dossier:

Selon ce document, la Guinée comptait une population de 10.523.261 habitants. Dans le même document, la commune de kaloum comptait une population de 62.507 avec 30.810 hommes et 31697 femmes. Tandis que dans le fichier électoral (CENI 2015), le nombre d’inscrits à kaloum dépassait largement les 62 mille. Or, ce chiffre représentait seulement des personnes ayant la majorité électorale et inscrites sur le fichier.  Tandis que le recensement général concerne l’ensemble des habitants y compris les étrangers. Cette incohérence, met en relief l’un des mécanismes de fraudes orchestrées par la CENI et la mouvance.

En plus de cela, les cas de doublons et triplons ont été constatés. Selon le rapport du CTS (comité technique de suivi), le nombre total de doublons dans le fichier électoral de 2015 etait de 544.608. Pourtant, le fichier étant biométrique, ce problème ne devrait pas exister.

A cela, d’autres mécanismes  étaient mis en place pour truquer les résultats. D’abord il est important de savoir que la fraude électorale permet aussi d’influencer les résultats, de manière à garantir ou à favoriser un candidat.

Dans cette mascarade électorale, il y a eu la fraude liée à la mauvaise distribution des cartes d’électeurs.

Selon l’article 38 du code électoral, « Il doit être remis à chaque électeur une carte électorale reproduisant les mentions de la liste électorale et indiquant le lieu où siègera le bureau de vote dans lequel l’électeur devra voter. Cette distribution commencera trente (30) jours au plus tôt avant le scrutin et s’achèvera la veille du scrutin. La carte électorale est strictement individuelle et ne peut faire l’objet de transfert, de cession ou de négociation ». Autrement dit, la CENI qui est l’organe en charge des élections, devrait mettre tout en œuvre en vue d’une bonne distribution des cartes électorales qui doit débuter au moins 30 jours avant toute élection. Mais sur la base des informations recueillies, l’on se rend compte que la délivrance des cartes d’électeurs ne s’est pas déroulée dans un « cadre normatif suffisant » pendant les élections de 2015, en ce sens que lors de cette echéance, le protocole a été biaisé à tous les niveaux. Cette démarche pourtant cruciale a connu un démarrage tardif en 2015.

Selon les rapports des partis politiques et quelques missions d’observations internationales, en 2015, il a été constaté dans certaines circonscriptions électorales du pays, notamment à Ratoma et Matoto, deux des communes les plus importantes de la capitale et bastions de l’opposition, que la distribution des cartes n’a commencé qu’entre le 1er et le 3 octobre 2015, c’est-à-dire une semaine avant le scrutin. Ainsi, des milliers d’électeurs de ces localités ont été privés de leur droit de vote à cause des retards liés au processus de distribution. Ce qui a considérablement augmenté le taux d’abstention dans ces localités. Selon les mêmes rapports, les mêmes faits ont été constatés dans certaines ambassades (France et Belgique), où la distribution a commencé cinq jours avant les élections, empêchant ainsi plusieurs milliers de Guinéens de voter.

Par ailleurs, selon l’un de nos  enquêtés, en 2015, trois mille (3000) cartes de Labé (ville de la Moyenne Guinée) se sont retrouvées à Maneya, une localité de la Basse Guinée, et d’autres cartes de la basse Guinée se sont retrouvées en Forêt. Sans oublier des cas de recensement de mineurs signalés par l’opposition surtout dans les fiefs de Condé.

Pire, après la mise à jour du fichier électoral, la région de kankan avait plus d’électeurs que la Région de Conakry. Selon tous les observateurs, cela serait impossible au regard du nombre d’habitants que compte la capitale.

En fin, toutes  les études faites sur les élections en Guinée ont démontré que le vote est ethnique, or, aucune ethnie ne fait 50%, par conséquent, aucune ethnie ne peut, à elle seule élire un président. Donc en Guinée, il serait difficile pour un candidat de remporter une élection dès le premier tour.

En somme, au regard des faits cités plus haut, l’on peut dire que les élections de 2015 n’étaient pas conformes aux réalités des urnes. Par conséquent, le coup Ko était déjà gagné à l’avance, le jour du scrutin n’était qu’une « simple formalité ». Autrement dit, ces faits démontrent que la configuration du fichier électoral et les différents mécanismes de fraudes ont permis à Alpha Condé de réaliser son coup KO.

Acte III dans nos prochaines publications

 



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