Le vote ethnique un danger pour notre démocratie et notre vivre ensemble

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Le vote ethnique est un phénomène qui affecte aujourd’hui notre démocratie, votre rédaction a tenté de porter un regard sur ce phénomène et vous livre la première partie de son analyse à savoir la genèse du vote ethnique en Guinée.

Avant la période coloniale, l’Etat guinéen n’existait pas dans la forme que nous connaissons aujourd’hui, c’est-à-dire comme un territoire délimité ayant un gouvernement. Ces territoires étaient composés de Royaumes et Empires. Pendant cette période, il y avait : le Royaume de Soumba, l’Empire de Ouassolo, le Royaume peul du Foutah théocratique, le Royaume Nalou. Ainsi, l’impérialisme colonial, après avoir vaincu la résistance locale africaine, a tracé lors de la conférence de Berlin de novembre 1884 à février 1885, les nouvelles frontières de l’Afrique.
Ces nouveaux territoires, ethniquement hétérogènes, sont devenus des nouveaux Etats en lieu et place des Royaumes et Empires. Ce caractère à la fois artificiel et arbitraire de ces nouveaux etats, ont été dans bien des cas sources de conflits. Ce fut le cas par exemple du conflit ethnique au Burundi, au Rwanda et dans bien d’autres pays.
Ces frontières héritées de la colonisation délimitent les nouveaux territoires et permettent aux colons de mieux les contrôler. Autrement dit, de nouveaux « territoires artificiels » ont vu le jour dans toutes les colonies conquises.
Ainsi, pendant la période coloniale en Guinée, le colonisateur va se baser sur cette hétérogénéité ethnique pour asseoir son autorité en adoptant le principe « de diviser pour mieux régner ». La Guinée se retrouve avec quatre régions naturelles, dont chacune est habitée par un grand groupe ethnique. Les soussous en Basse Guinée, les peuls en Moyenne Guinée, les Malinkés en Haute Guinée et les Forestiers en Guinée Forestière.
A la fin de la seconde guerre mondiale, la France n’était plus en mesure d’assurer économiquement et politiquement la vie des colonies. C’est ainsi qu’en 1944 à la conférence de Brazzaville une autonomie limitée sera accordée aux colonies, sous la forme d’une demande de participation des Africains dans les Assemblées. Ainsi, cela ouvre une nouvelle forme de conquête du pouvoir, qui change l’ancien mode d’accès au pouvoir.
Sur le plan interne, cette politique d’ouverture va déboucher sur une lutte d’influence et de positionnement dans les différentes sphères du pouvoir. C’est pourquoi, les protagonistes de cette nouvelle forme de conquête de pouvoir, ne sont plus issus de familles d’aristocrates ou d’érudits. Les anciennes familles « aristocrates » qui jouissaient d’une légitimité leur donnant l’entièreté de l’exercice du pouvoir, trouvent dans ces faits leur position fondamentalement altérée.
Ce changement du mode habituel d’accès au pouvoir tel que décrit par Barry et dans lequel «la succession dans l’exercice du pouvoir était héréditaire, d’où la prépondérance des lignages qui reposaient sur les liens de sang ». Sur ce, les facteurs liés à la légitimité et aux voies de positionnement ayant changées, être instruit devient un critère déterminant dans la conquête du pouvoir.
C’est ainsi que, cette nouvelle forme bouleverse les structures sociales et la scène politique devient un endroit où de « simples citoyens » peuvent désormais s’affronter.
Après la Conférence de Brazzaville, l’on assistera donc, selon Devey, à un bouleversement politique du à l’éclosion des groupes sur les bases ethniques ou syndicales. Autrement dit, à la création des premiers partis et amicales sur les bases ethniques et régionalistes : l’Union de la Basse Guinée, le Bloc Africain de Guinée (BAG) , l’Amicale Gilbert Vieillard (Peul) en Moyenne Guinée, l’Union Mandingue (UM) en Haute Guinée, l’Union Forestière de Guinée (UFG), le PDG (Parti Démocratique de Guinée) dirigé par Sékou Touré, l’Union des insulaires (regroupant les ressortissants des iles de Loos). Tous ces partis politiques ou mouvements ont été créés sur la base ethnique et régionaliste.
Ces critères ont ainsi influencé le choix des électeurs lors des différentes échéances électorales pour l’assemblée territoriale. Cette tendance au regroupement identitaire a largement contribué à la naissance du caractère ethnique du vote en Guinée.
La suite dans nos prochaines éditions, Bonne lecture à tous !



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