Présidence: Comment Alpha Condé a préparé le coup d’Etat constitutionnel : (Archives)

5545

Ce papier a été publié par Guinée Nondi en 2019 il y a de cela un an, il est plus d’actualité aujourd’hui : Lisez

Il y a quelques jours, notre rédacteur en chef a publié un article sous forme de lettre adressée aux juges de la cour constitutionnelle. Dans cette lettre, monsieur Sow Rousseau a mis l’accent sur la nature des dispositions portant révision de la constitution, sur l’importance des dispositions intangibles, sur la compétence de la cour constitutionnelle et le rôle de la dite cour dans la répartition des pouvoirs.

 Pour lui, « c’est la constitution qui fait de nous des sujets de droits, c’est sa démolition qui fera de nous des objets de droit aux mains des dirigeants ». Autrement dit, le non-respect de nos dispositions  pourrait nous conduire au chaos.

Cependant, au regard des différentes manœuvres du président Alpha Condé autour de cette constitution, l’on peut se poser énormément de questions sur ses intentions  à briguer un troisième mandat. Dans la mesure où l’architecture du « coup d’état constitutionnel » se dessine petit à petit. Et cela se résume en trois actes.

I – Sur ses intentions de briguer un troisième mandat

Parlant du troisième mandat, le président Alpha Condé a depuis très longtemps entretenu le flou total sur cette question. Sa réponse aux journalistes qui lui ont posés cette question a été toujours ambivalente : vous serez candidat en 2020 monsieur le président ? C’est le peuple de Guinée qui décidera. Cela a toujours été la réponse du professeur. Pourtant, la réponse du peuple est claire sur la question des mandats, en ce sens que leurs représentants ont déjà tranché cela depuis le 7 Mai 2010 à travers notre constitution en son article 27 qui dispose :

– Le président de la République est élu au suffrage universel direct.

– La durée de son mandat est de cinq ans, renouvelable une fois.

– En aucun cas, nul ne peut exercer plus de deux mandats présidentiels, consécutifs ou non.

Alors, pourquoi le président continue à interpeller le peuple pour un éventuel troisième mandat et à entretenir une certaine ambiguïté ? Seul le Professeur Alpha Condé a la réponse à cette question.

II – Sur le coup d’état constitutionnel

Selon l’article 93 de la constitution : La Cour constitutionnelle est la juridiction compétente en matière constitutionnelle, électorale et des droits et libertés fondamentaux. Elle juge de la constitutionnalité des lois, des ordonnances ainsi que de la conformité des traités et accords internationaux à la Constitution.

Elle garantit l’exercice des droits fondamentaux de la personne humaine et des libertés publiques.

Elle veille à la régularité des élections nationales et des référendums dont elle proclame les résultats définitifs. Elle est l’organe régulateur du fonctionnement et des activités des pouvoirs législatif et exécutif et des autres organes de l’État.

En lisant cette disposition, l’on se rend compte que la cour constitutionnelle constitue une étape essentielle pour la mise en place de l’architecture du troisième mandat. En ce sens qu’elle est au centre de tout changement par coup de force de la constitution.

Par ailleurs, la dernière crise qui a secoué la cour ces derniers temps en dit long sur le probable projet du professeur. Pour beaucoup de spécialistes, la destitution de Kelefa Sall n’était pas conforme aux règles de procédures.

Pour le bâtonnier maître Mohamed Traoré « Les faits reprochés à M.Kelefa Sall dans le cadre de la gestion des ressources financières allouées à la Cour Constitutionnelle, s’ils sont avérés et poursuivis conformément à la loi, devaient lui coûter non pas sa fonction de Président mais sa qualité de membre de l’Institution. Mais cela ne pouvait intervenir qu’après le déclenchement de la procédure prévue par la loi. Aucune infraction, aussi grave soit -elle, ne peut permettre de s’affranchir du respect des règles de procédure aménagées afin de parvenir à la sanction y attachée. Même pour sanctionner les crimes contre l’humanité, de génocide ou de guerre, des règles des procédures sont prévues ». Autrement dit, dans la destitution du président de la cour constitutionnelle, il y-avait un problème de forme et de fond. Malgré cela, le président a confirmé cette décision à travers un décret rendu public par les médias d’état le 3 octobre dernier, ce décret, confirmait Mohamed Lamine Bangoura comme nouveau président de la cour constitutionnelle.

Pour beaucoup d’observateurs, ce coup de force était une provocation de trop et un message d’essai. Au lendemain de ce décret, les questions qui étaient sur toutes les lèvres étaient les suivantes : Qui est Mohamed Lamine Bangoura ? Pourquoi lui pour prendre les rênes de cette institution ?

Selon le site Djely.com et les informations que nous avons recueillies lors des différents entretiens, Mohamed lamine Bangoura serait détenteur d’un doctorat en droit public obtenu à l’université de Lille. Il serait aussi détenteur de plusieurs autres certificats: un Diplôme d’Études Supérieures en diplomatie en 1989 à l’École Nationale d’Administration d’Alger, il obtient en 1990 un autre diplôme d’Études Supérieures Spécialisées en Relations Internationales de l’Institut français des Relations Internationales. Un Certificat d’Aptitude à la recherche et à l’enseignement – formation en méthodologie, de recherche et technique d’enseignement, obtenu en 2004 à l’université Cheick Anta Diop.

En 2014, il obtient le certificat d’aptitude professionnel à l’École Nationale d’Administration Publique de Québec (Canada) en ingénierie de la formation en Administration Publique.

Depuis de nombreuses années, il est aussi chargé des cours « de droit constitutionnel, de droit international public en licence, et du cours de gestion des conflits et intervention en master de recherche à l’université de Sonfonia»

Par ailleurs,  tous les anciens étudiants de Mohamed Lamine Bangoura que nous avons rencontrés sont d’accord sur le fait qu’il était un excellent enseignant, et maîtrisait très bien ses cours. Pour Ses étudiants de 3eme et 4eme année, Monsieur Bangoura maîtrisait très bien les cours de droit de la communication internationale et de droit des organisations internationales. Selon un de ses anciens étudiants, il se vantait même d’être le seul à donner ce cours après maître Salifou Sylla.

Cependant, force est de constater que  tous émettent des doutes sur la moralité de ce magistrat. Pour eux il serait très facile de le corrompre. Cette attitude, serait très dangereuse pour un gardien de la constitution, et cela représente du pain béni pour le président dans sa probable quête du troisième mandat.

III – Des nominations stratégiques

Dans le décret N D/2018/136/PRG/SGG du  06 Août 2018, Alpha Condé a nommé des magistrats de la cour suprême. Les nominations au niveau de La magistrature debout (l’ensemble des magistrats qui dans une juridiction sont chargés de défendre les intérêts de la collectivité nationale), attirent l’attention des observateurs. Dans la mesure où deux noms interpellent : celui du procureur générale et un des avocats général en l’occurrence  Monsieur Maurice Lamey Kamano comme procureur général et  William Fernandez comme avocat  général. Le premier n’est autre que le doyen des avocats de la partie civile lors du procès des évènements du 19 juillet, et le second était le procureur général lors de ce même procès. L’accusateur et le défenseur de l’état dans ce procès, se retrouvent aujourd’hui au niveau de la cour suprême pour défendre encore l’intérêt du pouvoir Alpha Condé. Pour beaucoup, ces ascensions ce ne sont pas des fruits du hasard, mais plutôt un scénario de préparation d’un coup d’état constitutionnel.

En somme, les recoupements de ces informations nous poussent à nous poser énormément de questions sur les intentions du professeur, en ce sens que ses agissements rendent perplexe beaucoup de guinéens. Sur ce, la question principale que l’on se pose est : le professeur Alpha Condé franchira-t-il les balises de la constitution pour briguer un troisième mandat ? Les jours ou les mois à venir nous édifieront. Aujourd’hui, ces ambiguïtés sont en train d’être levées.

la limite a été franchie et nous connaissons la suite



Administrateur Général