Histoire de quelques quartiers de Conakry: Mossodougou, Coleya, Mafanco, Madina, Matoto

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la capitale Conakry compte plus de 100 quartiers repartis entre les cinq communes. Nous publions ici l’histoire de quelques-uns. ces lignes vous permettent de comprendre les noms donnés à certains quartiers
Mossogoudou, le village des femmes (du malinké, mosso = femme, dougou = village), de création assez récente, date de la Première Guerre mondiale. Les Limba, dont on ne pouvait admettre les demeures de banco en plein centre d’une ville en expansion, durent être recasés près de l’actuelle École des Cadres Techniques. Grands buveurs de vin de palme, ils attiraient le soir, dans la compagnie des filles de joie (mosso), les travailleurs de Conakry qui venaient boire, danser et s’amuser.
Coléah fut noyauté au début du XIXe siècle autour de l’ancêtre baga Kolé. Les familles Sylla, Bangoura et Soumah qui y dominaient, entretenaient d’étroites relations avec leurs parentes de Dixinn et de Kaporo.
Mafanko, ancien terrain de culture de Dixinn, ne s’est peuplé que depuis les efforts d’urbanisation postérieurs à la Seconde Guerre mondiale vers 1952. Mafanko désigne le premier jus encore doux du vin de palme qui vient d’être récolté. La pseudo-étymologie : Tiens, c’est agréable ! (Mafan : il a de l’attrait, ko : tiens) ne résiste pas devant la critique historique.
Madina date du début du siècle. Après la bataille de Porédaka en 1896, les notables foulas musulmans, en résidence surveillée, devenant trop nombreux sur l’actuelle concession de la Mission, on leur alloua des terrains appartenant aux gens de Dixinn. Le nom de Madina ou Médina qui se rencontre en grand nombre chez les Foulas (Madina-Bowé, Madina-Kouta, Madina-Badiar) révèle son origine religieuse et la pénétration de l’Islam dans le Kaloum. On sait que Mahomet chassé par ses compatriotes et obligé de s’enfuir, fut reçu avec respect au petit village de Yatsrib. Ce petit hameau devint la première des Médina : Medinet-en-Nabi, la ville du prophète.
Matam, au km 9, près de l’Inspection routière, signifie «lieu de culture, de récolte » . En soussou, «récolter»se dit : matongo-dé ; relever une butte : maté-dé ; arracher pour la récolte : matala-dé. Son premier habitant fut un Aribot.
Touguéwondi, qui faisait originellement partie de Matam, est étymologiquement une forêt de palmiers (tougué = palmier, wondi = forêt).
Bonfi, en soussou, désigne un coude de rivière ou un estuaire. Un bras de mer s’avance dans la région marécageuse. Bonfi a son petit port pour pirogues de pêcheurs.
G’Bessia ou Gbessia, à l’extrémité de la piste de l’aviation, est la contraction de Gbé = grand, et Bassia = résidence de Bassi, nom propre baga.
Matoto, lieu de culture soussou, puis d’élevage foula, vient du soussou amato = regarde, surveille ; par onomatopée, on a matoto = regarde plusieurs fois, autrement dit : sois vigilant.
Simbaya au km 18 est la première station de la voie ferrée après Dixinn-gare. Un certain Toumani, grand chasseur d’éléphants, vint s’installer sur la côte au début du XIXe siècle alors que les Mandényi occupaient encore quelques régions de mangroves. On le surnomma Simba grosse patte, équivalent malinké de Sily : l’éléphant ; de sén = pied, ba grand, fort. D’où Simbaya : la résidence de Simba.
En suivant la corniche nord à partir du km 4 :
le premier quartier rencontré : Camayenne pose un problème étylomogique. De vieux habitants prétendent le faire dériver de Kama, un chef baga qui en fut le fondateur. Le yen final correspondrait au lambé (nom de famille) du chef, à moins que Yéné ne désigne le nom de sa mère qui, selon une coutume assez répandue dans ce peuple à régime autrefois matriarcal, s’accolait au nom du fils. D’autres s’interrogent timidement sur un composé de ta ou ka et mayenyi = marée haute. Enfin, on le dit être une altération de Cayenne, parce que c’est là que dès 1900 on établit le premier jardin d’essai pour acclimater en Guinée une flore venue des Antilles et de Guyane. Le centre d’essai agronomique de Foulaya, près de Kindia, pour les mêmes raisons dit-on, porta un temps le nom de Camayenne. Mais ne s’agirait-il pas d’essences transplantées du premier endroit dans l’autre, ou d’une simple désignation par analogie ? Les vieux Bagas de Dixinn affirment que Camayenne existait avant l’arrivée de Ballay. Un tel fait détruirait donc la dernière hypothèse.
Source: Claude Rivière, la Toponymie de Conakry et du Kaloum.

Bulletin de l’IFAN. Notes et Documents. Série B: Sciences Humaines, Dakar.
Vol. XXVIII. Nos. 3-4. Juillet-Octobre 1966. pp. 1009-1018



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